Sur le thème de l’anonyme -des lieux, des sujets photographiés, de celui qui capte- et ses corollaires, plusieurs expositions photographiques sont présentées avec plus ou moins de succès dans le cadre des 32e Rencontres internationales de la Photographie (RIP). D’un ensemble brouillon, d’un niveau artistique et d’une qualité intellectuelle plus que douteux, on retiendra pourtant cette étrange exposition Sacs contre sac à l’abbaye de Montmajour, ainsi que la série des Bonnets d’Olga Shermisheva au cloître Saint-Trophime.

Les blanches salles voûtées de l’abbaye de Montmajour se prêtent parfaitement à cette bizarre exposition de photographies issues du fonds des Archives photographiques de la médiathèque de l’Architecture et du Patrimoine. Pendant les deux guerres mondiales, les monuments historiques français ont été protégés des bombardements par des installations des plus incongrues : amas de petits sacs de toile de jute remplis de sable posés les uns contre les autres afin de rendre aveugle les façades de la cathédrale d’Amiens, les statues des jardins de Versailles ou l’Arc de Triomphe parisien. Cet anonymat salvateur, nécessaire, recrée un paysage urbain alors que ces photographies transcendent leur statut d’archives pour devenir du land art.

A l’opposé de cette photographie géographique devenue art de façon subreptice, les autres expositions confirment le triomphe de la photographie plasticienne, conceptuelle, qui s’est imposée depuis quelques années et qui, parfois, devient extrêmement lassante. Elle a pourtant trouvé une jolie raison d’être dans la série des Bonnets d’Olga Shermisheva. Déjà exposés au Centre national de la Photographie à Paris l’an dernier, achat récent du FNAC, les portraits sans visage mais rendus à une identité propre par le biais de bonnet, à la forme, la matière et la couleur distinctes, constituent un ensemble cohérent, agréable, léger.

Parmi les treize expositions proposées dans le cadre des RIP, difficile de trouver son compte. Des accrochages scandaleux (tirages punaisés et gondolés dans des cadres inadaptés, espaces mal conçus, éclairages épouvantables) et un pêle-mêle incongru d’expositions que Gilles Mora, directeur artistique des Rencontres pour la troisième année, a tenté tant bien que mal de faire entrer dans sa thématique (mais quel rapport par exemple entre les « belles images » de Peter Lindbergh et l’anonyme ?). Quant aux soirées au théâtre antique, elles ont proposé une programmation honteuse avec comme autoproclamé « apogée des Rencontres », la soirée co-organisée par le magazine Crash : un vidéo clip géant sur l’effacement identitaire des créateurs (personne n’a jamais vu le visage des Daft Punk, et Martin Margiella ne met pas son nom sur l’étiquette de ses vêtements, le tout sur citations en voix off de Guy Debord) constituant non pas une réflexion, ni même un constat, mais une émission télé entre M6 et MTV.

De ces 32e Rencontres internationales de la Photographie, on retiendra alors l’humour de ce graffiti gribouillé sur la devanture d’une boutique en rénovation place du Forum : « Mora m’a tuer. » François Barré, nommé nouveau directeur des Rencontres, aura fort à faire…