Il s’en est fallu d’un film pour que cette chronique ne s’ouvre sur des excuses. Et pour cause : alors que les débandades successives de l’Ordre du phénix et du Prince de sang mêlé nous avait fait écrire que le pire restait à venir, c’est la stupéfaction qui l’a finalement emporté. Signé du même David Yates que nous avions jusqu’ici éreinté, Les Reliques de la mort 1 nous surprenait en poussant la saga vers des territoires inédits, l’obligeant à se réinventer en une stase mélancolique et délétère. Il ne s’y passait rien, mais il advenait enfin quelque chose. Enchantés par la perspective d’un finale déceptif, d’une conclusion où l’ambiance prendrait enfin le pas sur cette histoire depuis longtemps imbitable, on se tenait donc prêt à disculper et réhabiliter le réalisateur honni. Hélas, le sortilège n’aura duré qu’un film, nous laissant, vaguement catastrophés, face au seul constat possible après ces dix années d’adaptations manquées : Harry Potter au cinéma, c’est d’abord un désastre en écriture.

De ce dernier chapitre, l’histoire retiendra qu’il clôt fidèlement la saga jusque dans ses moindres scories. D’un épisode à l’autre, on avait noté cette incapacité récurrente à orchestrer les enjeux, à traduire à l’écran la dimension épique du récit, comme si le déploiement de force numérique se heurtait toujours à une absence de relais émotionnel. Un constat qui trouve un petit point d’achèvement dans le dernier tiers des Reliques de la mort – partie 2. Le combat final de l’Ordre du phénix ressemblait à une mauvaise blague ? La bataille de Poudlard invente le climax en papier crépon. Vous aviez aimé la mort Vidéo gag de Sirius Black ? Vous adorerez les sacrifices hors champ (!) de vos héros favoris. Le duel sous Temesta entre Harry et Voldemort parachevait La Coupe de feu ? Celui des Reliques de la mort est expédié en trois champs-contrechamps cataleptiques : mon rayon vert contre ton rayon rouge / froncements de sourcils / mon rayon vert dans ta gueule.

C’est que le désastre en écriture ne se limite pas à la structure narrative de la saga ou même de chaque épisode, il se signale – et c’est beaucoup plus grave – au niveau séquentiel, scénique, jusque dans le montage lui-même. Construit et agencé comme Le Retour du roi (universalité du mythe oblige), Les Reliques de la mort – partie 2 ne retrouve jamais ce qui en faisait le prix : la limpidité absolue des enjeux. Devant le film de Peter Jackson, nul besoin d’avoir lu le scénario en elfique pour comprendre ce qui se joue d’une séquence à l’autre : la mise en scène, les choix de montage se chargent d’incarner la finalité du récit (la survie de la Terre du Milieu). David Yates, lui, ne sait pas gérer l’action – il n’a d’ailleurs réussi que le plus atone des épisodes -, alors il s’en remet intégralement au scénario brumeux pour porter ses enjeux (la survie de Poudlard). L’impuissance de celui-ci fait le reste : à force d’ellipses assassines (le gimmick de toute la saga) et de scènes sans affects (l’épilogue apathique), on accueille la fin de cette aventure l’oeil ballant, convaincu que tout ce barnum méritait bien mieux. La preuve ? Le Prisonnier d’Azkaban. Bordélique au possible, le film d’Alfonso Cuaron restera malgré tout comme le meilleur épisode de la série, le seul qui aura témoigné d’une vision de cinéaste et d’une volonté d’imposer sa patte sur un univers qui ne demandait que ça. Au fond, le drame a toujours été là : scénaristes ou réalisateurs, il manquait juste quelqu’un à la baguette d’Harry Potter.