Il faut se rendre à l’évidence, le remake de Shadow Warrior n’était pas forcément le bienvenu. Sa genèse, en soit, est déjà suspicieuse. Retour en 97 : porté par le succès de son Duke Nukem, 3D Realms sort Shadow Warrior, FPS jumeau lâché en decorum sino-japonais. En apparence, le jeu, et son samouraï moderne, se présente en miroir inversé du Duke, une répartie orientale, plus racée et élégante, à la coolitude beauf de l’occidental péroxydé. Mais la formule, elle, reste la même : affrontements déchaînés en arène et transitions en couloirs, orgie de gore et de dialogues nanardesques à base de stéréotypes racistes, vannes de cul et scato. Une rumeur voudrait d’ailleurs que 3D Realms ait rajouté ladite surcouche d’humour aux derniers moments du développement, devant le phénomène culturel engendré par son colosse badass et sa grande gueule. Malgré un gameplay mieux équilibré et ses quelques clins d’œil bien sentis à tout un cinéma d’exploitation hongkongais, difficile alors de ne pas voir en Shadow Warrior la copie opportuniste d’une formule juteuse.

 

L’appréhension à le voir aujourd’hui renaitre est d’autant plus forte qu’elle s’accompagne d’une angoisse à revivre le naufrage de Duke Nukem Forever, par logique de formatage. Comme lui, Shadow Warrior conserve nostalgie et archaïsme comme fond de commerce. Avec ses escarmouches en décors fermés (et clonés), ses allers-retours incessants entre les salles, ses répétitions à outrance de clichés du genre, le jeu se plie aux règles du shooter 90’s avec un tel conformisme qu’on s’attend au pire. Tout ça pourrait tourner rapidement à vide, et malgré tout, le jeu tient le choc des âges. Non seulement, son aspect est étonnement soigné, mais il sait se concentrer sur ses qualités originelles, réadaptées au goût du jour : un équilibre judicieux entre escrime, jeu de tir et magie, une palette tactique suffisamment souple pour diversifier ses combats, une aisance de mouvement malgré la vue subjective, garante de belles chorégraphies à l’arme blanche.

 

Plus problématique reste le ton adopté par la nouvelle licence. Non pas que la vanne potache soit muselée, mais elle semble plus calculée,  comme « expertisée ». Comme de constater qu’un scénariste du Saturday Night Live reprenne Benny Hill. Sans crier à la perte d’innocence (qui était aussi calculée à l’époque qu’aujourd’hui), un nouveau décalage s’installe entre le jeu et son héritage, mais malheureusement aussi entre le joueur et l’univers. Shadow Warrior a tendance à trop surligner qu’il a mûri, et son public avec, vers un âge de raison qu’on ne lui demandait pas forcément. S’il gagne en second degré et en indépendance face à Duke Nukem, sa nouvelle formule humoristique manque tellement de spontanéité qu’elle masque difficilement l’impression tenace de s’enfiler une ribambelle de décors sans âme. Au vu de l’efficacité globale, pas de quoi raccrocher son sabre. Encore moins de s’attacher à lui, malheureusement.