C’est désormais l’usage : à chaque sortie Wii U se joue en filigrane l’espoir fébrile d’un éditeur à sauver sa console du marasme financier. Avec ses airs d’antibiotique infaillible, Mario Kart 8 pourrait se faire, de ce point de vue, le remède de la dernière chance avant l’éventuelle capitulation de Nintendo. Puisque le potentiel fun est acquis d’avance (peut être est-ce là le problème ?), tout converge vers une autre question, fatidique pour l’innovation : « va-t-il vendre de la Wii U à tour de bras ? ». De cette mission (cautériser l’hémorragie, à n’importe quel prix) nait forcément une politique de prudence, que matérialise ici sa jouabilité tactile, ou plutôt son absentéisme conceptuel. Le message est tangible : pas d’audace, juste une ressoudure des acquis. Pour preuve : la fierté manifeste du jeu à souligner la conversion de sa saga aux nouveaux canons techniques. Une mue HD qui passe ici, efficacité imparable, par la refonte totale des circuits cultes d’anciennes éditions. Cette plus-value technique, parfois splendide, serait irréprochable si elle entrainait avec elle une même vocation de dépoussiérage de gameplay. On est loin du compte. A vouloir contenter beaucoup de monde (néophytes et nostalgiques), ce nouvel épisode ne s’autorise finalement que peu de nouveautés, voire moins que ses ancêtres, sans pour autant se débarrasser de ses éternels défauts (inertie mollassonne, certains items inutiles voire rédhibitoires). La déception est d’autant plus grande devant l’usage superficiel des passages anti-gravité, pourtant censés renouveler l’expérience de jeu.

En ressuscitant le fantôme de F-Zero, Nintendo se donnait toutes les chances de transcender ses courses d’un débridement psychédélique et libérateur. Au final, à part créer quelques effets optiques, le jeu garde sa vitesse de croisière, sciemment conservée pour que chacun s’extasie du travail détaillé de ses décors, mais trop sage pour se créer de nouvelles sensations d’ivresse. Si cette lenteur se voit heureusement masquée par l’efficacité de sa compétitivité en multijoueur, elle saute aux yeux en mode solo, qui n’a décidément plus raison d’être face à une concurrence plus inspirée en la matière (Sonic & Sega All Stars Racing, au hasard). Reste évidemment le talent indéniable de Nintendo à s’inventer de nouveaux tracés, dont certaines structures en gruyère prouvent in extremis que le vieux routard n’a pas encore tout perdu. Il est juste dommage que cette inventivité reste circonscrite à une vitrine élégante mais statique, où les tactiques émergentes semblent loin des préoccupations des développeurs. Rien de bien scandaleux en somme, si ce n’est le constat un poil désabusé de voir une licence obéir au même code de la route. Celui-là même qui fonde un produit racé, parfaitement calibré pour une configuration conviviale, et qui sait s’affranchir du temps sans trop de rides. Mais qui parvient de moins en moins à étouffer la ritournelle collée à son asphalte : sous le capot, rien de nouveau.