A quelques semaines du grand bilan, le constat ne manquera pas de faire grincer quelques dents, mais le titre de meilleur jeu d’avion de l’année reviendra, sans doute, au pourtant très pacifique mode « survol de l’île », inclus parmi les douze jeux de Wii sports resort. Autant dire que les altimètres du jeu d’avion sont au rouge. Non que le mini jeu de Nintendo soit mauvais (innovant, fun et maniable ; tout au plus il manque juste un peu d’enjeu), mais parce que à force de faire du surplace, le genre « dogfight » à la Ace combat se risque aussi à un inquiétant rase-mottes pas loin du crash.

Difficile sous de tels cieux de déterminer quoi, des vieilles conventions (commandes ultra rabâchées, éternelles interfaces de combat à base de surimpression de points rouges et d’indicateurs de distance pour localiser les ennemis) ou de l’insularisation du genre à la taille de marché de niche est venue en premier. A priori, ce n’est pas IL-2 Sturmovik qui lui fera reprendre les hautes altitudes de l’innovation aéro-ludique et la tête des charts. Une fois encore, le marronnier de la Deuxième Guerre mondiale sert de cadre à une vingtaine de mission, s’étalant de 1940 à avril 1945, de la défense des côtes britanniques jusqu’aux bombardements du Reichstag, le tout agrémenté d’image d’archive commentées et de journaux de pilote. Manque d’imagination ou refus de prendre toute la complexité de la Deuxième Guerre mondiale à bras le corps ? Les quelques pilotes incarnés déversent, quoique timidement et sans conviction, leur haine de l’ennemi et leurs petites histoires corroborant la grande, au fil d’une narration archaïque. Cette austérité, somme toute bien militaire, se répercute jusque dans son interface réduite à l’utilitarisme propret de menus au garde à vous. Pourtant, une fois en vol, les vieilles lanternes d’un genre conservateur et droit dans ses bottes s’éloignent progressivement au profit d’une expérience de jeu en progression constante.

On pourrait bien faire l’appel, par ordre alphabétique, des réussites de sa réalisation (une ambiance sonore pétaradante et solennelle, des missions courtes mais intenses, des modes de vue immersifs, des paysages soignés, …) sans frôler l’intérêt de IL-2 Sturmovik. Un peu comme un général à la retraite ; ses mérites ne se comptent pas au nombre de médailles mais à son intelligence du théâtre des opérations et à la puissance de son vécu. Comme ses modes de difficulté déblocables qui font pédagogiquement glisser une maniabilité et une profondeur de jeu arcade vers la simulation, tant pour sa rigueur ne pardonnant aucune manoeuvre hasardeuse que pour sa récompense du geste ingénieux ou du réflexe instruit. Comme ses multiples commandes tactiques qui, loin de vous adouber « unique rempart de la civilisation » contre les nazis volants, inscrit le joueur dans la logique d’une escadrille où chacun fait de son mieux et coordonne ses efforts. Comme encore cette sensibilité de pilotage propre à chacun des nombreux engins, distinctive et raffinée, comparable au soin apporté à la conduite de chaque véhicule dans Gran turismo. A l’instar, enfin, de ses post missions, où le joueur est libre d’éliminer les positions ennemis restantes ou de simplement poursuivre contemplativement son vol. Ici se dessine peut être le vrai tempérament de ce jeu austère mais puissant. Le sentiment d’heureuse solitude du pilote, déjà ivre du devoir accompli et pour qui, sur des accents wagnériens, l’horizon reste mystérieusement ouvert.