Adolescents électroniques, Kraftwerk un peu gay, lampes de piscine vivantes, le trio electro-pop Metronomy vire quatuor à la Cigale, toujours emporté par Joseph Mount, toujours dans les chorégraphies robotiques et poétiques. De moins en moins poétiques, peut-être. Gonzo-report #1 (chaque semaine un nouveau billet sur Chronicart.com, promis).

La dernière fois, j’avais vu Metronomy en plein hiver, sur une péniche à Lyon, plus ou moins bien accompagné (il y avait des cafards à l’hôtel). Ils étaient arrivés à la bourre entre minuit et une heure du matin, avaient réglés leur set en moins d’une heure, sonnés de manière encore plus branlante sur scène que sur album et Joseph Mount s’était amusé, nous aussi, toi aussi (enfin c’était chouette, quoi). Hier soir, Metronomy n’avait plus grand chose à voir avec le cadre intimiste de La Plateforme et l’exhibition du certificat Brico 2000 de leurs débuts : Metronomy est un groupe solide, pas avare de tubes calibrés pour les foules et qui déroule plus ou moins le même set qu’en 2007 avec une assurance déconcertante et presque gonflante. Mais bon, je ne le sais pas encore, je fais la queue sous les nuages derrière un type avec son jean à l’envers, sa veste à l’envers, son t-shirt à l’envers et ses chaussures à l’endroit (en gros, il nous dit qu’on est tous prêts à avoir l’air con jusqu’à un certain point) : la Cigale affiche complet, le ciel pas loin – c’est la rentrée, ce matin j’avais Poétique des genres et critique littéraire et, à vrai dire, je ne vois que Metronomy pour me redonner un coup de speed.

J’oublie d’aller au bar mais Koko Von Napoo (oui, regardez c’est encore plus drôle en majuscules : KOKO VON NAPOO – ahlala, n’allez jamais les voir) me rappelle que la bière est un pis-aller efficace contre les acouphènes. La première partie est interminable, les morceaux à mi-chemin entre Oh No! Oh My! et … Oh, je croise C. au bar, elle a un air de soutenance de mémoire, je n’ai pas envie de lui parler, mais elle dit :
– Putain, on dirait la voix d’une meuf étrillée dans un hentaï. Elle n’a manifestement pas tort mais lorsqu’elle me demande ce que je deviens (on ne s’est pas vus depuis six mois), je me force, je me fais mal et, sans conviction, je crache un truc du genre :
– Ah ouais, non, je trouve ça carrément exquis, Koko von Napoo, mais on a des goûts trop différents t’sais (depuis six mois, en tout cas).
De retour dans la salle, il me semble que la chanteuse vient d’annoncer une reprise de Metronomy (« ouais enfin on verra », précise-t-elle, assez intelligemment) mais plus elle tape à la baguette sur sa boîte FX, plus j’ai l’impression que Megaman me bousille à coup de laser cheap, plus les visages du public annoncent clairement le retour du négatif au quotidien, plus je pense, sans réellement comprendre, aux Fluokids, à Yelle, à la Bretagne. Le groupe se barre, il est 20h45. Metronomy arrive à la bourre une bonne grosse demi-heure plus tard.

Lorsque le groupe arrive, une déflagration suraiguë accompagne l’intro de Nights out : il s’agit, je crois, du public. Ça fait plaisir à Joseph Mount qui, heart rate rapid, se fend d’un bonsoir, lampe de piscine éclairée sur le torse (nouveaux cris suraigus), sourire banane (encore), visiblement ravi d’être à la « Cigueulh » (hiiiiiiiiiii). Nouveauté : Oscar Cash est l’ultime rescapé de la formation, qui compte désormais une batteuse rouquine et un black gay en slim pour les vocals (imaginez simultanément un gospel et, disons, Grace Jones). Résultat, la machine tourne bien, enchaîne The End of you too, On the motorway, puis soudainement, tous les couples s’embrassent sur Heartbreaker (c’est mignon, ces petites résistances de l’amour), jusque-là l’emblématique morceau des rappels, nettement moins héroïque une fois calé en milieu de set. Pour l’instant, on peut difficilement en vouloir au quatuor : c’est parfait, c’est même trop parfait. Surtout, ce sont les mêmes titres qu’il y a deux ans et l’enthousiasme retombe un peu lorsque le groupe présente Not made for love, title track reposante de leur dernier EP qui n’avait rien à foutre là sinon rappeler qu’on n’assistait pas à une tournée d’adieu.

La surprise vient de la sublime (époustouflante / à pleurer / magistrale, rayez les mentions inutiles) What do I do now exécutée en formation circa 2006 – lorsque Joseph Mount arrache sa voix au vocoder pour demander ce qu’il doit faire à présent, c’est triste à dire, mais je figure un bouge sordide de la banlieue londonienne où Metronomy pourrait de nouveau produire les hymnes lo-fi officiels des bricolos célibataires en plein désarroi (ceux que j’écoute dans un Saint-Etienne – Paris en fin de matinée, notamment, Mouton Cadet premius face aux Illusions perdues de Balzac). Peine perdue, Radio ladio vient entériner le nouveau statut hypish-de-masse du groupe (oh, C., je t’ai vue entonner comme tout le monde « R-A-D-I-OOOOO »), les lampes de piscine s’allument seules sur leurs torses désormais, présynchronisées, comme témoignant d’une mécanique érudite, sans doute redoutable si j’avais voulu noyer l’automne au Social, mais aux relents narcotiques sur la scène de la Cigale (« L-A-D-I-OOOOO », tous en choeur au balcon).

Ironiquement, le rappel renvoie aux réussites de Pip paine (Pay the £5000 you owe), sorti dans l’anonymat il y a trois ans, quand This could be beautiful n’avait pas la prétention de l’être, quand Love song for dog méritait qu’on passe du temps sur MySpace et que je dodelinais de la tête, quand bizarrement, je n’associais jamais Metronomy à une quelconque poétique des genres.

Lire notre chronique de Nights out.
Voir le MySpace du groupe.
Ainsi que What do I do now ?, live sur YouTube