Nouvelle Lucasserie, Grim Fandango est le dernier rejeton de Tim Schafer, déjà responsable du grand Day of the tentacle et du nettement plus douteux Full Throttle. Fort logiquement, on reconnaît d’entrée de jeu la patte du concepteur qui exploite à merveille, et à outrance, humour et dérision, cette fois-ci sous couvert d’une étonnante mixture contextuelle, entre folklore mexicain (le Jour des Morts, version mexicaine du Halloween) et polars des années 50 (Casablanca, Le Grand sommeil -Bogart-, Chinatown -Nickolson). L’histoire n’est pas moins tordue, jugez plutôt : nous sommes au pays des Morts et l’on incarne ici l’un de ses plus actifs commercialo-représentants, Manuel Calavera dit « Manny ». Un tas d’os employé par le Département de la Mort chargé d’effectuer le transfert des vivants chez les défunts, pour les préparer à un voyage touristique de quatre années au Royaume des squelettes. Ceux-ci gagnent ainsi la paix éternelle ; ce bon vieux Manny ne retrouvera la sienne que lorsqu’il aura fait son quota de clients ! Hélas, preuve que la mort ne met pas forcément fin aux tracasseries de la vie, ça magouille sec, même en ce bas monde des âmes en peine. Pourquoi diable les plus saints et prestigieux clients qui bénéficient d’un voyage en Trans Express Nine (le TGV maison) sont-ils tous pour Domi, son collègue, alors que lui se charge des pires crapules humaines qui ne méritent pas davantage qu’une ballade à pinces ?! Ca sent l’embrouille à plein pif, il y a forcément malversations dans l’attribution des billets, normalement purement aléatoire…
Il faut en premier lieu reconnaître les prouesses visuelles et sonores de Grim Fandango. Les décors semi-aztèques, semi-Art Déco et les musiques forcent sans aucun doute le respect. D’autant plus que, grande nouveauté, les personnages, comme l’environnement, sont dorénavant tout de 3D vêtus. L’effet caméra pivotante, plutôt bien contrôlée, renforçant ici l’ambiance dramatico-déjantée du jeu.
Reste le jeu en tant que tel : une suite d’énigmes malheureusement inégales et irrégulières, aussi bien dans la cohérence que dans la difficulté. Manny fixe les recoins ou les objets sur lesquels il est possible d’agir, bien vu. Seulement parfois, lorsque deux objets sont côte à côte par exemple, il n’est pas toujours aisé d’agir sur celui qu’on vise. Délicat.On retrouve l’éternel système de dialogue ping pong propre à Lucas (façon QCM), assez simpliste et réducteur. Dans la série des points noirs, notons enfin quelques attentes et lenteurs significatives lors du passage d’un écran à un autre.
N’empêche, le voyage vaut le coup d’œil et les multiples références culturelles apportent leur lot de surprises à ce conte surréaliste. Pour couronner le tout, Ubi Soft nous gratifie d’une VF irréprochable !
Tout ceci ne fait pas forcément un bon jeu, certes. Alors question : l’aventure graphique Lucassienne n’est-elle pas tout bonnement… dépassée ?