L’idée que le jeu vidéo puisse être aussi ce monde alternatif où tout est permis fait donc son petit bonhomme de chemin. Après l’excellent Burnout 3, Flat out est un nouvel exemple de soft amoral franchement prenant qui promeut sans aucun complexe la débauche automobile. D’abord il y a la compétition. La course auto standard, bien nerveuse ici et addictive. Avec de l’entraînement, et toujours une réelle sensation d’accomplissement, on arrive à tout dans le jeu de Bugbear : finir dans les trois premiers les courses a priori les plus délicates, débloquer de nouvelles épreuves, customiser comme il faut son bolide via l’atelier / tuning. Mais Flat out vaut surtout le coup d’oeil pour sa gestion des crashs et sa prise en considération des chocs sur les éléments du décor. Un décor évolutif et imprévisible. Souvent en chantier parce que c’est plus fun, les circuits sont parsemés d’échafaudages brinquebalants ou de pelleteuses stationnées sur la voie (entre deux portions de routes inachevées). Chaque parcelle de décor heurtée recouvre le piste et y reste indéfiniment pour faire figure de nouvel obstacle qu’on percutera sans doute le tour suivant. Il en va de même en ce qui concerne les véhicules, flambants neufs en début de course, véritables épaves à l’arrivée. Entre temps, on aura apprécié la décomposition pièce par pièce de sa voiture. Surtout, on aura expérimenté le « rag doll », c’est à dire l’éjection automatique du pilote dès lors que le véhicule percute violemment des éléments fixes du parcours. Façon crash tests, jusque dans la représentation du pilote qui, giclant du pare-brise, se voit propulser dans les airs avant de glisser longuement sur le circuit ou dans les talus tel un mannequin inerte.

On pense au Crash de Ballard évidemment : sans le vouloir, Flat out va plus loin que Cronenberg dans la concrétisation par l’image et l’interaction / immersion de la pénétration automobile, de la fascinante harmonie des cicatrices et des tôles froissées. Violence et désir, Flat out pue autant la mort que le sexe. C’est encore plus radical et jouissif dans les épreuves bonus : outre la phase « demolition » en arène (les amateurs de Destruction derby apprécieront), on s’adonne ici aux disciplines du saut en hauteur et en longueur, où comment user et abuser du fameux « rag doll » -avant de servir, plus tard, de fléchette ou de boule de bowling, pour l’aspect déconne hélas moins convaincant. De quoi s’agit-il ? De prendre son élan en voiture avant d’éjecter son pilote pour poursuivre l’envolée dans les airs. C’est à cet instant précis que la distance parcourue est comptabilisée jusqu’à ce que le pilote achève sa trajectoire, le plus souvent encastré dans un grillage, gisant inanimé sur l’asphalte ou dans les cartons disposés ça et là pour amortir les chocs. Quasiment l’orgasme, la petite mort comme on dit. Pratique illimitée.