Etrian Odyssey, sorti sur DS début 2007 au Japon, date d’il y a sept ans à peine, et déjà Atlus éprouve le besoin d’en faire un remake, distribué chez nous alors que le quatrième volet est encore frais. Bien sûr, on peut regretter que le studio joue la carte de la sécurité. Mais il serait dommage de passer à côté de ce Untold Stories, refonte aussi complète que fidèle de son prédécesseur, et surtout actualisation du titre fondateur d’une série devenue une véritable institution d’un genre vénérable et vivace, le dungeon crawler.
Pour ce faire, Untold Stories s’efforce d’abord de faire profiter du confort de jeu introduit par les récents épisodes : non seulement les décors ont gagné en finesse, mais les déplacements sont facilités par la téléportation, le système de combat est amélioré, la progression des personnages clarifiée. Des petits détails qui améliorent assez largement l’expérience, laquelle n’a rien perdu de sa pureté : une plongée vertigineuse dans les profondeurs d’un donjon-forêt aussi gigantesque que cruel, une immensité labyrinthique que le joueur est invité à cartographier minutieusement sur l’écran tactile de la 3DS. Si les vétérans ne seront pas totalement pris au dépourvu, ils ne pourront pas naviguer à la seule mémoire, puisque la disposition des étages a été significativement modifiée. Ils trembleront presque autant que les néophytes lorsqu’ils croiseront la route des FOEs, ces ennemis redoutables parcourant les niveaux, et dont l’équipe doit dans un premier temps impérativement éviter les patrouilles, sous peine de subir une cuisante défaite.
La décision la plus étonnante prise par Atlus consiste en l’ajout d’un scénario à travers le mode histoire. A priori on n’attendait guère qu’Etrian Odyssey nous raconte autre chose que la quête éperdue d’une équipe d’aventuriers anonymes s’enfonçant dans les profondeurs et luttant contre la diminution progressive de leurs ressources. Mais si elle est d’un classicisme consommé, avec son lot de lieux communs, la narration est plutôt prenante, sans être le moins du monde intrusive. Les personnages imposés dans le groupe sont attachants, les dialogues vifs, les cinématiques des petits bijoux d’animation : on retrouve, sans affectation, la candeur radieuse des jRPG d’antan, cet allant optimiste qui pousse avec simplicité à poursuivre le voyage. En ce sens, malgré ses racines relativement récentes, Untold Story a quelque chose de la tranquille majesté d’un Ys : Memories of Celceta, et montre que les techniques artisanales du jeu de rôle japonais ne sont pas totalement perdues.
Ce mode, bien que vivement recommandé, est d’ailleurs totalement optionnel, les puristes pouvant ainsi décider de créer leur équipe, avec les personnages de leur choix, et se raconter leur propre histoire. Cela ne les empêchera pas d’essayer les deux nouvelles classes d’Untold Story, le Highlander et le Gunner, qui tiennent du couteau suisse : le premier est un guerrier sacrifiant des points de vie pour améliorer ses attaques et celles du groupe ; le second utilise des pistolets depuis l’arrière et dispose d’un arsenal de pouvoirs permettant de soigner ses coéquipiers ou de bloquer les coups des ennemis. Autre nouveauté, la présence de grimoires permettant de panacher les compétences et d’utiliser celles d’autres classes, pour permettre par exemple au clerc d’utiliser la magie offensive, ou au protecteur de passer à un registre plus offensif.
Ces changements ne sont sans doute pas suffisants pour rendre impératif l’achat d’Untold Stories à ceux qui ont retourné dans tous les sens l’original. Mais en adoptant une démarche prudente, Atlus est finalement resté fidèle à l’esprit méthodique d’une série profondément ancrée dans des mécanismes classiques, et qui a su évoluer pas à pas. Pour ceux qui n’auraient pas encore découvert les tréfonds du labyrinthe, Untold Story est peut-être la meilleure porte d’entrée possible, d’autant que la dimension narrative tient lieu de fil d’Ariane, et que l’équipe toute faite est plutôt équilibrée.
Alors que les nouveaux aventuriers épaulent leur sac à dos, qu’ils fourbissent leurs haches et leurs baguettes magiques, et surtout qu’ils n’oublient pas de prendre leur boussole afin de tracer la carte de leurs déambulations.
On leur souhaite bon courage, et de longues errances souterraines.