Il faut bien l’admettre, on s’est tellement farci de sous-tolkieneries en tous genres sur PC, qu’on est plus très sûr de pouvoir supporter la vision d’un gobelin ou d’un elfe dans un jeu de rôles micro sans avoir la nausée. Sur console, heureusement, les RPG jap’ ont apporté suffisamment de fraîcheur au genre pour qu’on puisse accueillir un jeu ambiance AD&D sur DC avec un minimum de curiosité, à défaut de réel enthousiasme. Dès les premières images de l’intro qui pompe sans complexes le début du Dracula de Coppola -des corps empalés sur un fond de ciel embrasé-, on se surprend même à vouloir en voir plus. Et dès qu’on rentre dans le bain, en parcourant un village elfe arboricole aux vertus didactiques, on pourrait presque penser que Dragon’s blood a tout ce qu’il faut pour être un bon jeu. Evidemment, une fois de plus, la déception n’en sera que plus grande.

L’argument est relativement classique : alors que la planète est passablement plongée dans le chaos après une véritable catastrophe écologique, le Contrecoup, un gros géant veut méchamment en imposer et devenir le maître d’un monde qui n’a pourtant plus grand-chose de désirable. Votre mission, si vous l’acceptez, est de récupérer des artefacts qui vous permettront de terrasser le vilain Grossebouffe. Pour ce faire, vous avez le choix entre deux avatars : Cynric, un monsieur avec de gros muscles, et Aeowyn, une dame avec un gros cerveau… Le genre de cliché sexiste qui donnerait de l’urticaire à la plus modérée des Chiennes de garde ! Pour le reste, imaginez une sorte de Soul reaver mâtiné de Tenchu, soit le genre aventure-action-RPG-3D-troisième-personne auquel on est habitué depuis les exploits de la miss Lara Croft.

La concurrence est donc rude, y compris sur la DC qui a sa propre version de Soul reaver dont il faut bien avouer qu’on a rarement fait mieux dans le genre Tomb raider-like. Dragon’s blood aurait pu être une alternative intéressante, plus proche de l’esprit fondateur médiévo-gothique de Legacy of Kain : Blood Omen si la réalisation n’était pas aussi poussive. Effectivement, bien que les graphismes soient tout juste honorables, le framerate est assez catastrophique, y compris en 50 Hz. L’animation est terriblement saccadée même lorsqu’il n’y a que vous à l’écran. De plus, les concepteurs du jeu ont eu le malheur de créer un relief franchement escarpé. Résultat : au moindre de vos pas, vous avez l’impression de parcourir cinq mètres, un peu comme les Dupont-Dupond dans On a marché sur la lune. Ou Steve Austin courant au ralenti. Quant aux combats, au-delà d’un seul adversaire, c’est la confusion totale, la maniabilité du personnage n’étant pas forcément très évidente surtout lorsque la caméra fait des siennes. Alors que l’intelligence artificielle plutôt bien ficelée de vos adversaires vous obligerait presque à faire dans le stratégique, on se retrouve vite à mouliner du glaive comme un bourrin parkinsonien. Ce qui est assez suicidaire au vu de la difficulté plutôt élevée du jeu…

En vérité, malgré un côté « aventure » sommaire, à la portée du plus acharné des doomistes atrophiés du bulbe rachidien, Dragons blood avait du potentiel. D’autant que l’humour volontiers sarcastique et british en diable des héros donnait un sacré coup de pied aux fondements du genre Donjons et Dragons. De plus, l’environnement sonore est plutôt bien torché. Mais on ne peut définitivement pas fermer les yeux sur une jouabilité aussi médiocre, qui nuit gravement au plaisir qu’on pourrait prendre à arpenter un univers médiéval à l’académisme somme toute pas si désagréable que ça.