Afin de répondre provisoirement à l’attente d’un grand nombre de fanatiques, qui attendent la sortie du Seigneur des anneaux, les distributeurs français de Mondo Films ont eu l’idée de sortir un moyen métrage inédit de Peter Jackson. Forgotten silver est un faux documentaire, grâce auquel le Néo-Zélandais continue à dévoiler son éclectisme, le délivrant radicalement du statut de cinéaste gore auquel il a été identifié plusieurs années durant.

A la base de cette farce se trouve un personnage fictif, un réalisateur inventé par Jackson et son acolyte Costa Botes : le légendaire Colin McKenzie. Ce soi-disant précurseur du cinématographe fut présenté en 1996 aux téléspectateurs néo-zélandais comme un génie national, négligé et oublié au fil du temps. Supposé avoir eu des dizaines d’années d’avance sur les Lumière, Méliès et autres Edison (tant sur le plan technique qu’artistique), Colin McKenzie nous est donné à voir comme l’inventeur du travelling, du son synchronisé ou encore de la couleur… Quelques jours après la diffusion de Forgotten silver, la population néo-zélandaise, encore sous le charme de la découverte d’un tel fleuron de la culture nationale, se sentit plus qu’insultée en apprenant que McKenzie n’avait en fait jamais existé. Cependant, si l’on examine ce documentaire de près, on peut s’apercevoir que la réalisation de Jackson et Botes n’a pas pour unique but de flouer totalement la compréhension du spectateur. Au-delà des fausses interviews et des images d’archives de qualité similaire à celle de vieux films mal conservés (l’illusion est ici parfaite), l’intrusion occasionnelle de la mise en scène de fiction laisse discerner plusieurs indices permettant donc de deviner le canular. Un des exemples le plus flagrant se trouve dans une séquence de fouilles archéologiques, durant laquelle l’équipe de réalisation est à la recherche du décor artificiel de Salomé (le plus grand film de McKenzie). Pour nous montrer ce groupe de chercheurs pénétrer pour la première fois dans la salle principale du monument, censé être fermé depuis des lustres, Peter Jackson choisit de placer sa caméra à l’intérieur de la pièce. Ce qui, en soi, aurait été impossible dans les conditions de tournage d’un véritable documentaire…

De plus, le sens de l’humour sarcastique de Peter Jackson fait souvent surface dans Forgotten silver. En retraçant (et en piétinant) de la sorte toute l’histoire du cinéma, au travers de la vie d’un seul homme, le réalisateur se permet beaucoup d’égarements volontairement surréalistes. Avec un minimum de recul, il est tout de même difficile de croire que le premier long métrage de l’histoire était un film de kung-fu. Et finalement, les inventions de Colin McKenzie, telles ces pellicules fabriquées à partir de blanc d’œufs ou encore ces caméras montées sur locomotives à vapeur, tiennent plus de l’extravagance jacksonienne que de la solide référence historique… De fait, cette délicieuse farce fait davantage appel au rire qu’à la crédulité du spectateur.