Comme tout jeu bankable, GTA a inspiré de nombreux clones trop souvent restés dans son ombre. Crée par David Jones (l’un des auteurs du Grand theft auto original), Crackdown est un paradoxe qui réussi à la fois le tour de force d’apporter une nouvelle perspective au genre, tout en ratant son objectif. Premier indice de sa différence : il n’est pas question d’incarner une petite frappe, mais un super flic qui doit remettre au pas une ville envahie par les gangs armés. Crackdown ne s’embarrasse d’aucune forme de scénario, le joueur est immédiatement catapulté dans le vif du sujet. En imposant aucune règle et en autorisant d’emblée l’accès à toute la ville, le jeu porte le concept du free-roaming à son paroxysme d’autant que la surface de jeu est totalement exploitable et interactive. Complexe et intelligente, l’architecture n’imprime pas seulement une réalité esthétique, chaque construction pouvant justifier sa conception une fois le pad en main mais surtout, et c’est la plus grande réussite du titre, elle s’envisage dans le sens de la hauteur.

Jusqu’ici, la ville restranscrite en jeu vidéo existait horizontalement : à force d’y évoluer, le joueur en apprenait mentalement le plan et s’appropriait ainsi son territoire. Crackdown y ajoute une dimension verticale qui donne parfois le vertige. Doté de super pouvoirs évolutifs façon Deus Ex, dont une faculté de saut prodigieuse, le flic / super héros peut rapidement accéder aux toits de chaque édifice (qu’il soit entrepôt ou building) et obtenir ainsi un avantage tactique évident sur la plus grosse partie de ses ennemis. En plus de l’aspect pratique, porter l’action sur les hauteurs fait envisager la réalité de la superficie ludique d’une manière totalement inédite qui pourrait faire presque pâlir le grand GTA lui-même. Si il fait une relecture originale du genre, Crackdown échoue pourtant à proposer une véritable immersion : l’action incessante et presque hystérique agresse constamment le joueur et ne fait envisager la ville que comme un vaste bac à sable, éprouvette pour une expérience de chaos urbain à grande échelle, qui exclut tout sens du rythme et refuse une certaine idée de la liberté. Le génie de la série de Rockstar, tout au moins dans son itération 3D, ce n’est pas tant d’avoir une métropole comme terrain de jeu que d’arriver à faire cohabiter avec le même bonheur l’action la plus surréaliste et la contemplation la plus béate, avec toute la gamme d’émotions entre ces deux extrêmes. Avec son gameplay génial mais monomaniaque, Crackdown prendrait-il le risque de devenir le premier free-roamer rétrograde de l’histoire des jeux vidéo ?