Pas loquace et sans détour, Day night, day night est un dispositif d’une efficacité très économe. Le récit tient en une phrase : une jeune femme se prépare à un attentat suicide. Excluant le contexte politique et toute forme de motivation explicite, le film se resserre sur les gestes dociles et méticuleux de l’apprentie kamikaze. Les préparatifs qui se déroulent en huis-clos dans une chambre d’hôtel déclinent une petite cuisine jubilatoire de détails et de trucs bien mystérieux : apprendre à tomber à la renverse, parler comme un robot, supprimer toutes traces de son existence, laver efficacement un vieux collant en laine. Tout cela sur-sonorisé et d’autant plus intrigant grâce au le travail bruissant de Leslie Shatz (sound designer de Elephant). Pourtant l’abstraction et le mutisme virent un peu au bouclage autiste ; le film se met en condition comme la jeune femme se concentre pour passer à l’acte. On aimerait peut-être plus de distance avec le personnage plutôt que ce mimétisme ascétique.

Plus que la rigueur de Day night, day night, on retient sa manière de renverser les clichés et de filmer le terrorisme d’un point de vue trivial jusqu’à le faire tourner au gag. Depuis un brossage de dents en règle jusqu’à la pression décisive du pouce sur le détonateur, ce que nous montre Julia Loktev n’a rien à voir avec le fantasme d’un professionnalisme terroriste. Le training amateur tourne à la parodie (shoot cheap de la guerrière en treillis entourée de trois grands types encagoulés) et la kamikaze tétanisée par sa mission finit par se goinfrer de sucre dans les rues de New York. Parfaitement décalée et maladroite, son actrice, Luisa Williams, petit gabarit à visage animal ressemble plus à un personnage burlesque qu’à une tueuse haut de gamme. A chaque action, elle s’y reprend à deux fois, trébuche et pousse les portes qu’il faut tirer. Evidemment, le dernier geste n’échappe pas à sa maladresse. Si l’on peut reprocher au film quelques effets concept, c’est pour son sens de l’absurde qu’il s’impose : l’errance d’une fille déguisée en ado sac au dos pour aller plastiquer Times Square incognito en mangeant des bretzels géants.