Ô joie, Baldur’s gate est parmi nous, et à temps ! Pour tout rôliste digne de ce nom, Noël 98 est à marquer d’une pierre blanche. Inutile de vous le cacher, ce jeu est la première adaptation valable, palpitante même, du jeu de rôles Advanced dungeons & dragons. Tiré de l’univers des Forgotten realms, sans doute le plus fameux des mondes AD&D, l’aventure se déroule précisément dans la région de Sword Coast dont Baldur’s Gate, ville portuaire, représente l’énorme centre d’activités. Ici, comme dans les villes avoisinantes, les autochtones craignent pour la plus importante source de richesse : le fer. Il n’y a qu’à s’approcher des mines de Nashkel pour sentir le désespoir à son comble dans la population. Pour cause, celles-ci ne produisent pratiquement plus et le peu de fer extrait est sauvagement subtilisé par des bandits qui, de plus, assassinent sans vergogne les exploitants… Qui dirige et contrôle cette abominable machination ? Par ailleurs, il semblerait qu’une vieille prophétie concernant le Lord of murder ait un rapport directe avec ces événements… On parle ici et là d’une puissante conspiration manigancée en Amn, le pays voisin. Allez savoir !
Oui, allez donc savoir, car c’est bien de vous dont va dépendre la suite des événements. Pour éviter que la situation s’envenime et qu’une guerre ouverte se déclenche, il vous faudra coûte que coûte déjouer ce mauvais tour. A la limite, s’il n’y avait que cela… Non, l’ennui, c’est que mis à part le fait que vous créchiez dans un petit bled tranquille et propret -Candlekeep- et que vous assistiez dès le départ à l’assassinat de votre pater, vous n’avez strictement aucune idée précise quant à l’identité réelle de votre personnage et encore moins à propos de son rôle éventuel dans cette vaste mascarade.

En s’attaquant au mythique AD&D, Bioware n’avait à vrai dire pas trop intérêt à bâcler le scénario. L’histoire et les différentes intrigues que Baldur’s gate propose sur 7 longs chapitres au joueur n’ont pas grand chose à envier aux aventures papiers du JDR. Rassuré ? Même remarque s’agissant des règles. Jamais jeu de rôles micro n’aura été aussi fidèle au jeu de rôles sur table. L’exploit mérite d’autant plus le salut qu’il s’agit d’AD&D et par là même d’un système de règles assez poussées pour ne pas dire complexes. Mais que le joueur néophyte se rassure, l’ordinateur prend tout en charge, c’est lui qui lance les dés : de la création du personnage (6 races et 26 classes -à noter qu’il est possible d’opter pour un personnage multiclassé) en passant, entres autres, par l’alignement, la gestion des caractéristiques, jusqu’aux résultats de chacune des actions entreprises.
Seul, vous ne le restez pas longtemps. Comme dans un jeu sur table, la notion de groupe aux individualités et aux caractéristiques différentes et spécifiques (guerrier, paladin, ranger, voleur, clerc, magicien, druide, barde…) est de mise. 5 personnages non-joueurs peuvent vous rejoindre et être contrôlés séparément. Ce qui ne veut pas dire qu’ils perdent leur personnalité, bien au contraire, puisque selon les alignements et les antécédents -inconnus- de chacun, tous ne réagissent pas de la même manière entre eux et avec les énergumènes rencontrés… A tout moment, le joueur peut se passer des services de l’un d’eux et enrôler de nouveaux compagnons. L’intelligence artificielle est aussi de mise chez les personnalités rencontrées ici et là dans la région. Il est possible d’entamer le dialogue avec absolument tous les personnages. Si le fermier de base nous assène trop souvent les mêmes banalités, les protagonistes (une bonne centaine s’il vous plaît !) constituent la meilleure source, bonne ou mauvaise, d’informations qui soit. On retrouve certes la formule du QCM en vigueur mais comment faire autrement ? Les monstres non plus ne sont pas totalement idiots, la plupart d’entre eux préféreront la fuite si les choses tournent mal au combat.

Les combats, venons y justement. Pour être franc, le système proposé est dans un premier temps assez déroutant, puisque le temps réel est obligatoire. En fait, le principe est plus subtil en ce sens qu’il est possible d’agir sur chaque individu pendant que les autres continuent d’agir comme convenu. Bonne solution par exemple que de laisser combattre tout seul le guerrier et de prendre totalement le contrôle du mago pour faire bon usage des sorts -notez bien que l’on trouve ici la grande majorité des sorts disponibles dans les règles officielles d’AD&D ! N’empêche, on peut regretter que les concepteurs n’aient pas daigné nous laisser le choix entre le temps réel et le tour à tour, façon Fallout. Pour compenser, le joueur peut agir sur un système de pause automatique et paramétrable : lorsque le groupe est attaqué, lorsqu’un monstre se trouve dans les parages… histoire de nous laisser le temps de riposter au mieux. Hélas, c’est insuffisant : on ne retrouve pas vraiment l’aspect stratégique et jouissif du tour à tour.
JDR oblige, la finalité du jeu consiste à faire évoluer le groupe, et en particulier votre personnage. Pour augmenter ses points de vie, ses caractéristiques en général et apprendre de nouveaux sorts, il vous faudra constamment gagner des points d’expérience (XP). Pour ce faire, la quête suprême, découpée en chapitres, ne suffira pas. Ainsi, le jeu comprend un grand nombre de sous-quêtes plus ou moins ardues qu’il sera de bon ton d’élucider pour s’enrichir (et s’équiper) et passer de niveau.
Baldur’s gate profite d’une réalisation générale exemplaire, extraordinaire. En ville, le joueur peut, en plus des tavernes, temples et magasins, visiter la quasi totalité des bâtiments et habitations aux intérieurs particulièrement léchés. Idem pour les donjons et les extérieurs. Dans les mines, en forêt, sur les routes, les décors sont de toute beauté, sachant que les quelques 10 000 écrans de jeu en 3D isométrique représentent chacun un endroit unique ! Si l’on ajoute à cela la subtilité des éclairages, l’exceptionnelle représentation des sorts, les variations climatiques (pluie, neige, orage, tempête…), de nombreuses séquences cinématiques, brèves et indicatives -comprenez utiles-, des musiques adéquates et une foultitude de sons ultra-réalistes, on comprend aisément pourquoi le jeu remplit 5 CD. Ambiance garantie !

Finissons sur cette mauvaise surprise qu’est le jeu en réseau. Celui-ci consiste finalement à vivre la même aventure qu’en partie solo avec, en guise de compagnons de groupe, des joueurs connectés. Ca ne va hélas pas plus loin que ça ! Espérons que Bioware, au repos, prenne le temps de retravailler le concept…
On l’a vu, le jeu n’est pas exempt de défauts. Certains, comme le système de combat et le jeu online, sont même plutôt ennuyeux à vrai dire. Pourquoi donc une si bonne appréciation (5/5) alors, me direz-vous ? Parce que malgré cela, Baldur’s gate est clairement LE meilleur jeu de rôles micro existant à ce jour ! Pour peu que vous affectionniez le genre, soyez certain de vivre de grands moments, presque comme au bon vieux temps des parties sur table… Quant aux autres, détracteurs y compris, le moment est venu d’essayer !