Arrivé en fin de cycle, le jeu vidéo déprime. Dans l’attente des nouvelles machines, tout devient prétexte à déceler du déclin. Avec son mélange impossible de beat’em-all et de multijoueur, Anarchy Reigns s’offre un double bill crépusculaire. Prendre un genre du passé (la baston de masse, tant appréciée depuis Double Dragon) pour le traiter à la sauce de ce qui aura été la nouveauté des 360 et autres PS3 (le online), il y a de quoi trouver ça poliment has been. Et pas qu’un peu, si l’on précise qu’on évoque ici le dernier jeu de Platinum pour Sega qui, jamais, n’a été en plus mauvaise santé qu’aujourd’hui. Et aussi qu’aucun des jeux du développeur de Bayonetta ou Madworld, dont les personnages rejoignent ici la fête, n’a été un succès commercial, enfonçant le clou d’une longue dépression qu’Anarchy Reigns parachève dans l’indifférence totale. C’est bien le drame du jeu, pas très folichon en solo (car pas vraiment prévu pour), assommant en multi, de passer inaperçu, arrivant dans une période où les regards convergent tous ailleurs – vers les sorties à venir ou passées, vers le PC qui regagne ses gallons, sur un smartphone d’homme pressé.

 

Au moment où Capcom sort son reboot made in UK de Devil May Cry, le vieux pot du beat’em-all selon Platinum s’enlise dans la nouveauté bâtarde qui est supposée le soutenir et lui redonner des couleurs. Une nouveauté ni maitrisée, ni même potentiellement intéressante : comment un genre basé sur l’hyper répétition des ennemis et des décors peut-il se contenter de combats un contre un en arène ? L’art du combo ne fait pas tout dans la vie, encore moins le petit exercice de virilité que représente le online. Le défi n’était peut-être pas impossible à relever ; en l’état actuel, il a des airs de compromis avec l’idée d’une modernité vidéo ludique déjà désuète, ou plutôt qui tombe pile au moment où les joueurs rêvent de nouveaux continents, bien loin de ceux d’Anarchy Reigns avec son look de jeu PS2 optimisé. Même les plus tatoués du genre, complaisant pour la désormais relative médiocrité du jeu vidéo japonais, se ficheront un peu d’un titre n’ayant pas pour lui l’exigence pratique d’un God Hand, chef-d’œuvre vespéral en son temps. Ils lui préfèreront le DMC de Capcom, infiniment plus technique et chiadé, à défaut d’avoir une identité bouleversante. La faute à Platinum, studio de vétérans s’acharnant à veiller sur les traditions d’un genre dont la noblesse n’est ici qu’un souvenir. Ne jamais céder à l’idiotie du moderne : il n’y a pas de meilleur moyen pour perpétuer la grandeur d’un savoir faire et résister au temps.