Après plusieurs années d’attente, The Emperor Machine donne enfin un prolongement live (machines, guitare, batterie électronique) à ses impeccables séries de maxis (regroupées en deux albums) sorties sur l’innovateur label DC Recordings, tenu de main de maître par le dément J Saul Kane (alias Depth Charge). The Emperor Machine est l’extension solo du producteur Andrew Meecham, activiste electro anglais dont les premières apparitions aux côtés de son groupe Bizarre Inc. ont secoué plus d’une nuit outre-Manche au cours des années 90. Egalement membre du trio Chicken Lips, c’est pour son projet le plus expérimental que nous eu avons le plaisir de l’écouter vendredi à Paris (27.06.08) et samedi à Toulouse (28.06.08) : un krautfunk rétrofuturiste, inquiétant et cinématographique dont les vrombissements analogiques vous projettent dans une cosmogonie sonore entre le prog-rock ténébreux de Goblin, le psychédélisme motorik de Neu! et les arpeggios funky de Giorgio Moroder, chargé en réverbérations dub héritées du scientist jamaïcain King Tubby. Nos cavaliers interstellaires Daft Punk, tout comme Simian Mobile Disco, !!! et un grand nombre d’autres artistes lui ont confié une relecture de leurs travaux. Interview.

Chronic’art : Quand as-tu commencé à t’intéresser à la musique et à utiliser des machines ?

Andrew Meecham : J’ai commencé à être Dj et à faire joujou avec mon magnétophone à cassette dans ma petite bulle imaginaire à l’âge de 8 ans. Je n’ai jamais vraiment songé à faire autre chose que de la musique à vrai dire. Etant gamin, je me souviens de la musique rock provenant de la chambre de ma soeur et dont je m’inspirais autant que de n’importe quelle autre musique qui me traversait l’oreille. Mon père et mon oncle Bill étaient des obsédés de technologie et j’ai grandi entouré de radios CB et de toutes sortes d’engins électroniques en kit. Je me rappelle que je piratais les ondes radio de mes voisins pour leur balancer du feedback. Ils ont du être tellement triste le jour où j’ai déménagé…

Comment s’est opérée la mutation entre tes productions solo et le groupe avec lequel tu joues live ? Peux-tu présenter les musiciens qui t’accompagnent sur scène ?

Je recevais en permanence des demandes pour jouer live. Or, je ne voulais pas me contenter d’une performance au laptop – je cherchais à convertir une formation rock instrumentale à ma musique. J’ai vraiment de la chance d’être aussi bien entouré. Les membres du groupe sont tous deux des amis de longue date, talentueux et expérimentés, l’un comme l’autre ont un véritable background rock’n’roll. Le groupe se compose de Mr David Atherton, superstar à la guitare, de Mr Roger Johns à la batterie et aux effets électroniques, et de moi aux synthés et à tout le reste.

Qu’est-ce qui t’attire tellement dans les machines vintage et les synthétiseurs analogiques, comparés aux ordinateurs ?

Je n’ai jamais accroché à la production sur ordinateur, j’ai essayé et certains logiciels émulent maintenant à merveille le hardware et les synthétiseurs analogiques, mais pour moi ce n’est pas une façon assez spontanée de travailler, ça ne me convient pas. J’aime sentir les touches de synthé au bout des doigts. Mon inspiration provient en partie du matériel que j’utilise.

The Emperor Machine se réfère beaucoup aux sonorités des années 60-70, aux structures venant du prog-rock et à une imagerie de science-fiction rétro-futuriste…

J’imagine que c’est la liberté que procure cette sorte de feeling retro qui laisse libre cours à l’imagination, qui la débride totalement. J’invente parfois une histoire et je mets de la musique dessus. Je pense que cela émane en grande partie d’un vécu personnel, ces sonorités me ramènent à ma passion de gamin pour la science-fiction, avec tous ces bruitages et ces sons électroniques bizarres qui me fascinaient.

Peux tu nous présenter l’artiste responsable de l’aspect visuel d’Emperor Machine, qui semble être une part importante du groupe ?

Un artiste véritablement stupéfiant, qui est totalement en phase avec ce qui se passe dans ma tête. Je suis vraiment fier de chacune des pochettes qu’il a réalisé pour Emperor Machine. Je lui ai même demandé qu’il fasse des posters pour moi. Pour les concerts, le show visuel est piloté par Stuart. Il joue avec les images qu’il manipule en direct. On vient tout juste de le rencontrer mais il a l’air d’être un mec bien – il est bourré d’idées géniales et il parvient à jouer sur une très large palette visuelle.

Quel est le dénominateur commun entre tes différents groupes (Bizarre Inc., Chicken Lips, Big 200, Emperor Machine) le long des années ?

Le seul dénominateur commun, c’est moi. Ces différents projets n’ont vraiment pas grand-chose en commun à part ça. Bizarre Inc. appartient à ma jeunesse insouciante, Chicken Lips représente la maturité, Big 200 coïncide plus ou moins avec ma crise de la quarantaine et Emperor Machine est ma passion et c’est le projet auquel je me consacre désormais.

Tes morceaux ont des structures à tiroir très sophistiquées. Comment construis tu tes compositions? Sais-tu à l’avance dans quelle direction tu vas aller ?

Pour être honnête, je commence en général un nouveau projet en achetant un nouveau synthé. C’est la machine qui déclenche le processus de création. Le matériel que j’utilise est en lui-même une source d’inspiration, laquelle me conduit à des heures de bidouillages improvisés en studio qui se développent peu à peu et me guident au fur et à mesure sur d’autres voies. C’est pour moi une manière naturelle de travailler et je m’arracherais les cheveux si je devais coller à une structure préétablie.

Comment perçois-tu la musique dans cinquante ans ?

Je ne sais pas, mais je suis impatient de le découvrir.

Comment imagines-tu les extra-terrestres?

Verts.

Propos recueillis par

Lire notre chronique du Padded Cell et de la compile Deaht Before Distemper 2 : The Revenge of the iron furret.
Voir la page MySpace de The Emperor Machine