Monsieur Richard Hell était à Paris récemment pour la promo de son livre « Wanna go out », et de Time, une compilation d’enregistrements live. Le débit un peu ralenti, mais l’esprit toujours vif, l’icône punk nous parle.

Chronic’art : Il paraît que, en voyant récemment Le Diable probablement de Robert Bresson, vous y avez reconnu le concept de « blank génération » que vous chantiez dans les 70’s. Pouvez-vous expliquer ça ?

Richard Hell : Quand j’ai vu ce film, il y a deux ans, j’étais extrêmement étonné de voir que Bresson, en 1976, a fait ce film, alors qu’il ne pouvait pas vraisemblablement avoir conscience ou connaissance à cette époque, des sentiments, des cercles, dans lesquels moi j’évoluais. Il ne pouvait répondre à ce que nous faisions nous avec le punk, il ne pouvait être au courant, ou alors, de façon très distante, de ce que nous faisions à New York au même moment. Ce film la meilleure représentation de mon propre état d’esprit à cette époque. Bresson était extra-sensible aux sentiments de la jeunesse à cette époque. Il y a tellement de parallèles entre ce film et ma vie d’alors ! En 1974, je m’étais fait un tee-shirt où il était écrit « Please kill me », et dans le film, le personnage demande également qu’on le tue… Toute ce qu’il raconte au psychiatre aurait pu être les paroles d’une de mes chansons… Ce que les gens appellent « punk » a différents sens. Mais l’état d’esprit dans lequel j’étais à cette période a plus à voir avec ce film qu’avec n’importe quelle autre production artistique que je connais. C’est mon cinéaste préféré, mon héros intellectuel. Même si je ne l’ai découvert que dans les 90’s.

Que pensez-vous des cinéastes contemporains qui filment la jeunesse américaine, comme Larry Clark ou Harmony Korine ?

Je pense qu’Harmony Korine est le plus intéressant. J’ai détesté Kids. J’ai trouvé qu’il cachait derrière un alibi sociologique son envie de filmer des teenagers en postures sexy. Mais cette jeunesse qu’ils filment n’est pas comparable à la « blank generation », qui était plus solitaire, qui n’avait pas vraiment de vie sociale.

A propos de ce tee-shirt que vous portiez en 74, « Please kill me », à quel moment avez-vous décidé de changer de vie, d’essayer de rester vivant ?

Je n’avais pas vraiment le choix. Mon mode de vie me menait droit à la mort. Et très vite. Je devais décider d’essayer de vivre en laissant tomber les drogues et le désespoir. J’avais fait le tour de cette vie. Et j’ai essayé de vivre de manière plus saine. J’y suis parvenu jusqu’à maintenant.

Vous avez dit que Blank génération avait comblé vos ambitions musicales. C’est vrai ?

En un sens, oui. Mais seulement pour ce qui était d’avoir une vie publique, spectaculaire. Enregistrer, chanter, faire des concerts a comblé ce besoin. Mais je ne pensais pas que cet album était parfait ou le meilleur jamais enregistré. Il concrétisait surtout un besoin de reconnaissance publique. Je me suis senti ensuite beaucoup plus à l’aise pour faire autre chose, écrire, faire des films…
Vous n’avez pas fait de musique pendant des années, avant de reprendre le chemin des studios avec Dim Stars. Qu’est ce qui vous a alors décidé à refaire de la musique ?

C’était très spontané, très facile. Ils m’ont fait cette proposition, on allait en studio, on jouait et on enregistrait. Il n’y avait aucune pression sinon le plaisir de jouer, éventuellement d’enregistrer un disque, et c’est ce qui m’a motivé. Car c’est assez inhabituel. Les compagnies de disques exigent que vous fassiez des tournées, que vous vous vendiez pour promouvoir vos disques. Là, c’était juste une histoire de rencontre et de plaisir.

Vous pourriez refaire des concerts aujourd’hui ?

Non, cette partie de ma vie est derrière moi, je crois. C’est trop de responsabilités, pour peu de résultats. Il faut tourner sans cesse pour vivre de cette activité. Je pourrais enregistrer des CDs, parce que j’aime faire ça, mais tous le processus qui accompagne l’enregistrement d’un disque me pèserait. Je n’en ai pas envie. Je ne serai jamais une pop star, et il faut être une pop star pour vivre de la musique.

Mais vous êtes une pop star !

(Rires) Non, je ne suis pas une pop star.

Vous habitez toujours à New York. Quelles sont les particularités de cette ville pour vous ?

C’est juste la ville la plus stimulante du monde. C’est là où je me sens le mieux. Par exemple, je ne me sentirais jamais vraiment chez moi à Paris, même si je me sens culturellement plus proche de la France, je ne parle pas la langue, je n’ai pas les habitudes culturelles. A New York, je connais les significations de n’importe quels petits détails. Je sais pourquoi une série télé est plus populaire qu’une autre, je connais toutes les caractéristiques de la culture américaine, et new-yorkaise, car j’en suis moi-même un produit. En Amérique, il y a peu d’endroits où l’on peut trouver des exemples de productions culturelles d’une telle qualité, que ce soit en art, en musique, en réalisation, même en rodéo ! Il y a un excellent rodéo à New York ! Les gens qui vivent à New York veulent le meilleur. Et ils l’ont.

Vous avez un site Web. Vous utilisez beaucoup ce support ?

Internet est une mine d’informations. Les capacités de rangement et de classement sont énormes et très peu coûteuses. On peut archiver beaucoup d’informations. C’est sans limite. On n’a pas besoin d’imprimer un livre ou d’enregistrer un disque. Ca facilite beaucoup la diffusion.

Il y a une rumeur sur le Web qui circule, et un livre sorti en France (L’Effroyable imposture de Thierry Messan) qui affirme que les événements du 11 septembre, notamment l’attentat contre le Pentagone, ont été monté par le lobby de la défense américaine.

Quoi ? Le pentagone n’aurait pas été attaqué ? C’est comme si on disait que la lune était une création des studios d’Hollywood ! Tout le monde à Washington a vu cet avion se crasher sur le Pentagone ! C’est comme si on disait que le président Kennedy avait été tué par Napoléon Bonaparte. C’est n’importe quoi…

Propos recueillis par

Lire notre chronique de Time