Anne Laplantine a l’adorable manie de changer d’identités et de pseudos comme d’autres cueillent les fleurs ou chassent les papillons. Après plusieurs albums sous le nom d’Anne Laplantine ou Michiko Kusaki, la voilà de retour sous une nouvelle identité, l’autrichienne Angelika Köhlermann, adepte de traversées à la nage et de conversations feutrées. Angelika Köhlermann est aussi le nom du label viennois de Gerhardt Potuznick, sur lequel Michiko Kusaki a déjà sorti deux albums… Les rocks critics en ont le tournis…

Mettant pour un temps de côté les beats electro et les synthés 80, Care est tendre et attachant, fait de petites guitares électriques volatiles, de pianotages lointains, de mélodies inachevées, de clicks délicats. Entre le chant tout en retenue de Anne et les ritournelles désaccordées, des voix indistinctes parlent en allemand en français, parfois rient, dans un halo brumeux, une remémoration cotonneuse. Ni electro ni pop ni laptop, la musique de Angelika Köhlermann est sans territoire et sans frontière. Les landscapes deviennent des land escapes, et les autres titres sont aussi simples que bain bain, qu’est ce que tu, il y a, ou train. Incomplets et parfaits ainsi, courts et simples, minimaux et auto suffisants. Anne Laplantine ne s’embarrasse pas et va à l’essentiel. Le mot juste et aucune note de trop. Ce disque manque à trop de discothèques.

Avec ses buzzs et son souffle, Care semble issu d’une mémoire défaillante, comme toutes les mémoires, imprimé comme à travers une gaze blanche, par bribes étouffées, débris enfantins, réverbérations naturelles. Ainsi, Souvenir est une cover de Souvenir, ce morceau de OMD, ici restitué partiellement, comme on s’en souvient : trois notes, des chœurs, une syllabe suspendue. Magique et mélodieux, simplement lumineux, Care rend heureux. Un disque universel.