Avant d’écouter Plastic fang, je vous prescris au préalable une cure de Rolling Stones. Infusion des Stones matin, midi et soir obligatoire pendant trois semaines au moins puis, enfin, posez Plastic fang sur la platine. Non pas que le nouvel album du Jon Spencer Blues Explosion soit un pantouflard exercice de style Boogie-Blues calibré pour les restaurants de routiers, bien au contraire. Il faut bien avouer que la fureur bleue, iconoclaste et charnelle qui animait les disques précédents a fait place à une musique plus conventionnelle, plus professionnelle (ce qui n’a rien de fantastique en soi) mais pourtant tout à fait convaincante. Et ce disque doit beaucoup aux Stones, de par sa production (Steve Jordan aux manettes) et de par son classicisme affirmé et pleinement assumé. De part son rapport au blues surtout, plus révérencieux que par le passé mais pas pour autant convenable et présentable. Le Blues Explosion reste un groupe punk, mais des punks qui ont désormais l’âge de rendre un hommage à la musique de manière plus posée, sans forcément la défigurer au préalable.

Pour faire dans la métaphore grasse, on dira que si Jon Spencer appelait auparavant à forniquer d’instinct dans les toilettes, là il accorde de la place au processus de séduction (on n’apprécie d’ailleurs Plastic fang qu’après une dizaine d’écoutes non consécutives). Il n’en a pas pour autant perdu sa vigueur légendaire : à vrai dire, on aura quand même du mal à faire écouter ses disques aux amateurs de Classic Rock certifié. Pour faire dans la métaphore médiocre, on dira que Plastic fang ne vous forcera pas à monter sur la table pour tortiller du cul, vous pourrez le déguster simplement dans un bar avec les amis. Un disque en trompe l’oeil, un long-drink, faussement tranquille, pour accompagner une discussion (sur les Stones par exemple…). On pourra simplement se contenter de n’écouter que la fantastique guitare de Judah Bauer, véritables symphonies simples à la mémoire de Mick Taylor et de Keith Richards. Comme si par un curieux renversement de trajectoire, le Jon Spencer Blues Explosion se mettait à reconstruire le rock’n’roll sur ses bases historiques. Ca donne au final un sacré bon disque. Le meilleur que les Rolling Stones aient enregistrés depuis des lustres…