Rencontre avec Le Coq pour tenter de décortiquer un album particulièrement élaboré, sous son faux air d’évidence pop : un moyen de comprendre la posture singulière de ce songwriter discret et de mettre à jour des interconnections avec la scène musicale de Nantes, devenue aussi vaste que dispersée, en général, et du label Effervescence, en particulier.

Chronic’art : Ton disque s’ouvre sur L’Ennui me convient et je me disais que l’ennui était un thème assez rare, finalement, dans le répertoire français, que l’on parle de sa version « négative » comme dans Les Enfants s’ennuient le dimanche de Trenet ou de sa version « positive » comme dans J’aime l’ennui de Christophe. Est-ce que tu en as conscience ? Est-ce que tu as envie de chanter des sentiments plutôt rares avec ce genre de thème ?

Le Coq : Il n’y avait pas de référence, en tout cas… L’ennui, c’est plutôt une pratique… que j’aime bien ! (rires) C’est un sentiment que j’aime même si je ne voudrais pas me complaire là-dedans. Mais, de temps en temps, je me dis que l’ennui, ça permet de se rendre compte du temps qui passe… Et c’est un sentiment qui me plait bien.

Dans ce titre, on perçoit presque une impression de puissance…

Et bien, oui. Dans le sens où c’est peut-être un des seuls moments où on peut un peu maîtriser le temps, se dire qu’on peut voir passer les minutes… Ca a un côté que j’aime bien…

Il y a un peu de mise à distance, aussi ? Ne désirer rien, se mettre à l’écart du commun des mortels…

Oui, peut-être, aussi… Se mettre à l’écart de plein de choses se passant à l’extérieur. On peut dire ça ! (rires) C’est assez difficile à expliquer, en fait !

Sur ton précédent disque, Tête de gondole, tu avais placé un instrumental en ouverture d’album. Là, on retrouve un nouvel instrumental dans cet album, qui évoque un peu l’Afrique. Quelle importance cela a pour toi de placer des plages instrumentales dans un album ?

Depuis le début, sur chaque album, il y a au moins un instrumental. Sur le deuxième, il y en a plusieurs… quatre ou cinq… C’est une forme musicale qui m’a toujours intéressé. J’aimerais bien – pourquoi pas ? – aller vers un album entièrement instrumental. Peut-être plus tard… Peut-être bientôt. Je ne sais pas… Mais, même dans mes chansons, je laisse toujours la part belle à l’instrumentation, à la musique… Pour moi, c’est aussi important que les textes. C’est un exercice qui me plait bien… L’écriture, ce n’est pas forcément quelque chose qui me vient autant… Je n’écris pas forcément tout le temps. Par contre, la musique, c’est quelque chose que je peux faire tous les jours. Je compte parfois plus sur la musique que sur les mots…

C’est peut-être la musique, de ce fait, qui vient avant les mots, dans tes compositions ?

Pas forcément. Il peut y avoir des textes écrits absolument sans musique. Ou que j’adapte à une musique, par exemple. Ca peut être fait en même temps, aussi : je fais de la musique et je mets des mots dessus au même moment. Mais les mots ne découlent pas forcément des musiques, je n’ai pas de règles comme ça…

Sur King Kong, on voit que c’est Stéphanie Gaillard, de El, qui signe le texte. Est-ce que tu lui avais délégué cette mission ? Comment s’est passée cette collaboration ?

Eh bien, je sais qu’elle aime bien ce que je fais et elle m’a proposé ça, ce texte-là, de manière un peu spontanée, à un moment donné. Et je trouvais ça pas mal du tout. Ca donnait l’impression que je pouvais faire quelque chose avec ça. Du coup, ce texte m’a inspiré une musique.

Après deux disques chez Saravah, te voilà sur Arbouse Recordings, comment s’est fait le truchement entre toi et ce label et quel intérêt cela a pour toi de te retrouver dans ce type de catalogue ?

L’intérêt, déjà, c’est de sortir le disque. J’ai mis pas mal de temps à trouver un label. J’ai cherché pendant un an et demi. Il y avait des gens qui étaient près à signer mais qui hésitaient pensant que ce n’était peut-être pas assez vendeur… Et puis, je l’avais envoyé au patron d’Arbouse et il m’a répondu au bout de plusieurs mois parce qu’il aime bien prendre son temps pour dire si ça peut entrer dans son catalogue ou pas, si ça lui plait ou pas… Et puis on s’est recontactés et, petit à petit, de content qu’il sorte sur ce label. Il y a un bon catalogue, des bons groupes.

Et l’intérêt de quitter Saravah ?

Oh, je n’avais pas d’intérêt ! Simplement, ils ne voulaient pas sortir ce disque-là. Et puis, en même temps, je sentais que ce n’était pas un label qui pouvait me faire évoluer… Je me sens plus à l’aise avec Arbouse qu’avec Saravah.

Le précédent disque se basait sur un tandem, avec Charles-Eric Charrier (ex-Man et actuel Oldman) et celui-ci a plus un caractère collectif : on y retrouve beaucoup d’artistes du label Effervescence ou qui y sont affiliés. Est-ce qu’il y avait un désir d’ouverture ou était-ce le hasard des rencontres ?

J’avais vraiment envie de faire un disque arrangé. Pour faire un peu le pendant de l’album précédent, qui n’était pas forcément moins arrangé, mais, puisque nous l’avions travaillé à deux, était un travail plus restreint dans les possibilités. Là, je voulais vraiment me confronter à d’autres musiciens et à des arrangements plus conséquents aussi. Le fait, également, d’avoir travaillé avec Erwan Fauchard, que je connaissais très peu, avant ça, ça m’a permis de penser des arrangements un peu plus conséquents car il a une manière de travailler qui me plait bien aussi. J’avais écouté ce qu’il avait fait avec This Melodramatic Sauna et, moi, ça faisait un bout de temps que j’avais envie d’arrangements de cordes ou de cuivres. Et, lui, je pense qu’il manie ça assez facilement. C’était la bonne personne, pour travailler là-dessus. C’était la personne qu’il fallait rencontrer pour arriver à ce disque-là.

Et les autres participants du disque ?

C’est arrivé un peu par Erwan, qui est rattaché à cette scène. Il fallait un violoniste, ça a été Carla de Mansfield Tya, car il la connaissait. Le sax, ça a été Joe Seilman, même si je le connaissais un peu aussi. Il y a eu Mathieu Pichon, qui joue assez régulièrement sur mes disques. Luc Rambo, aussi. Benoit Prisset, c’était la première fois qu’il enregistrait avec moi mais ça fait un bout de temps qu’on travaille ensemble. C’était naturel de travailler avec lui. Benjamin Jarry, je l’ai contacté directement, pour ce morceau un peu africain : c’était un peu un délire… C’était un morceau un peu improvisé, que j’avais sous la main, et je lui ai demandé d’improviser sur ce truc-là et c’est parti comme ça. Il a joué également sur un autre morceau, un peu en improvisant aussi. Il aime ça !

Est-ce qu’il y a des personnes que tu aurais aimé avoir sur cet album mais avec lesquels ça n’a pas pu se faire ?

Pas spécialement. Ca s’est fait assez naturellement, on avait autour de nous les musiciens qui convenaient et je ne cherchais pas spécialement une star…

Pas envie de Robert Wyatt pour les choeurs !

Oh, si, si il est libre, il n’y a pas de raison ! (rires)

Sur Dimanche de chien, il y a un travail des cuivres qui est assez singulier et qui m’a un peu rappelé Calexico : c’était l’intention ?

Sur Dimanche de chien ? Ah, pour moi, il fait plus Tindersticks, ce morceau… C’était l’ambiance que je recherchais… Celle de leur première époque, jusqu’à l’album Curtains, avec ces arrangements assez léchés, bien mis en place… Sur ce morceau-là, comme il est assez long, j’avais envie d’une ambiance qui monte, comme ça. Des arrangements qui arrivent petit à petit, avec des envolées à la fin. Non, j’aime bien Calexico mais ce n’était pas l’intention, au départ.

L’album s’appelle « D’arradon », la petite ville du Morbihan où tu es né : quelle sens donner au fait de titrer l’album de cette façon puisque, au final, ça parle assez peu de cette ville ?

Oui. Ca ne parle pas du tout d’Arradon ! Mais justement, c’était peut-être un peu pour faire le contre-point parce que justement mes textes sont rarement référencés, sur un lieu ou sur des choses avec des noms propres, des références… C’est marrant, je crois qu’on a déjà eu une discussion sur les références de lieu… Moi, ça me plaisait bien. Un peu comme la fin d’un cycle : j’avais envie de marquer ça par mes origines… Voilà !

La pochette du disque ne renvoie pas forcément de façon évidente au contenu du disque. Là encore, c’est une envie de contre-point ? Est-ce que le dessin de la pochette est une commande ou quelque chose que tu as choisi qui était préexistant ?

Eh bien, la pochette fait assez Arbouse Recordings mais renvoie, de mon point de vue, à quelque chose de plus abstrait ou abscond que ce que le disque exprime, avec des choses assez ouvertes et lumineuses, parfois exaltées… Je la trouve assez ouverte, justement, cette pochette… Même si elle fait assez hivernale. Ca ressemble un peu à ce que je fais. Je ne la trouve pas si abstraite que ça, cette pochette. Peut-être dans la forme esthétique mais l’utilisation du dessin, dans le trait, l’univers d’Ann Guillaume me plaisait… Je l’ai un peu orientée parce que j’avais aimé un de ses dessins où on voyait une sorte de cerf, qui avait l’air mort, couché, dans une forêt. Et j’aimais beaucoup ce dessin-là. Elle m’a fait différentes propositions et je l’ai laissé mettre en page la chose. Je l’ai orientée sur deux ou trois idées, comme ça, mais elle s’est inspirée des morceaux du disque pour faire la pochette…

Propos recueillis par

Lire notre chronique de D’arradon