En huit nouvelles, Helen Simpson raconte les vies de femmes (pour l’essentiel, puisque seuls deux récits ont des narrateurs masculins) qui abordent la fin de la trentaine et qui sentent leur vie prendre une orientation nouvelle, pas nécessairement des plus plaisantes. Outre qu’elles voient leurs illusions s’évanouir, certaines angoisses sourdes prennent naissance en elles, la première étant celle de la maladie, puis celle de la vieillesse, d’une certaine forme de déchéance et à terme, bien sûr, de la mort. Absence, perte et mort sont ici un trio dominant, y compris quand, comme dans La Chambre verte, l’auteur fait incursion dans le fantastique. Pour le reste, Simpson prend ses repères dans le quotidien le plus ordinaire.

La Porte, qui ouvre le recueil, évoque la manière de faire son deuil et de réapprendre à vivre. La porte qui enferme et protège devient alors, par la figure de celui qui vient la réparer, une passerelle de communication. Communication qui est également au centre du Minuit de l’an où une mère, dans un vestiaire de piscine, console une petite fille devant une fille au pair tchèque en détresse. Une Pensée sur trois est sans doute le texte le plus drôle du recueil, qui abuse de la tragi-comédie. « C’est arrivé très vite. Un jour, sans prévenir, tout le monde a commencé à mourir », explique la narratrice, dont toutes les amies et voisines sont atteintes, les unes après les autres, de cancers. Elle-même en perd le sommeil, l’appétit, le goût de vivre. Jusqu’à ce qu’elle perde ses deux jambes dans un peu probable accident… et voit l’amputation devenir synonyme de joie retrouvée, de bonheur de vivre – trait d’humour noir fabuleux.

Dans Tôt dans la matinée, une mère conduit son fils et ses copains vers l’école ; son long trajet quotidien en voiture lui laisse le temps de réfléchir – et on imagine qu’il en va chaque jour de même – au temps écoulé qui ne reviendra pas, à son fils qui va grandir, partir, à elle qui se verra contrainte de redonner un sens à son existence. Si je m’en tire permet de varier les genres : le narrateur y est un homme, journaliste adultère qui ne rêve que d’ailleurs, trompé allègrement sa femme – qu’il ne supporte pas quand il se voit contraint de passer quelques temps à la maison. En se découvrant atteint d’un cancer au poumon, il se rachète une conduite, redécouvre les joies de la vie conjugale, le soutien inaltérable de son épouse et, en silence, se met à prier le ciel, promettant fidélité, amour, droiture, en échange de la vie sauve. L’annonce d’un diagnostique erroné – le cancer n’était qu’une tuberculose – lui rend en un instant ses mauvaises habitudes : il n’y a ici pas de repentance, ni de rédemption. La plus intéressantes des nouvelles reste la dernière, Une Promenade de santé.Une enseignante entre deux âges qui rentre de l’enterrement d’une vieille amie fait sa promenade de novembre, dans le parc au pied du lycée où elle enseigne. Ses pensées divaguent vers la mémoire, l’oubli, le passage du temps, alors qu’elle vient juste de se découvrir enceinte, situation dans laquelle elle lit une incontournable ironie.

Helen Simson raconte des peurs ordinaires, parfois sans lendemain, parfois insidieuses, susceptibles de saisir tout un chacun, qui ramènent à l’idée de finitude et qui, ici, se joignent aux bouleversements d’un milieu de vie – angoisses, fin du couple, divorce, maladie, départ des enfants, parents qui vieillissent. Les femmes sont infiniment vulnérables et étaler leurs pensées les plus intimes, leurs angoisses profondes, ne les rend pas plus solides, au contraire, d’autant que les textes, très brefs, laissent un sentiment de grande distance et ne donnent pas vraiment le temps de s’asseoir aux côtés de ces silhouettes inquiètes, qui dès lors gardent pour elles l’essentiel de leurs tourments.