En ouvrant cet été les portes de leurs ateliers, les plasticiens d’Artifices vous invitent à découvrir le pays d’Apt. Le peintre Jerry Krellenstein, actuel vice-président de l’association, répond à nos questions.


Chronic’art : Artifices se caractérise par la pluralité des démarches et des compositions des différents plasticiens. Comment est née une telle association ?

Jerry Krellenstein : Artifices est né en 1987 afin de donner aux artistes de la région un lieu de rencontres, d’échanges, et la possibilité de créer ensemble des projets. Au départ, nous organisions une seule exposition par an. La première s’est tenue en 1987/88 à la Maison du Parc du Lubéron. C’était juste avant les fêtes de Noël et le « tout Apt’’ était alors présent. La programmation comprenait des œuvres d’artistes très connus, comme Cartier-Bresson, Martine Franck, Joe Downing, etc. Puis la mairie d’Apt a mis à disposition la Chapelle des Récollets où ont lieu maintenant près de cinq à six manifestations annuelles. Ces expositions présentent le travail des artistes de la région. Elles cherchent également à associer autant que possible des artistes invités.

L’histoire d’Artifices ne s’est toutefois pas déroulée de façon linéaire. Une scission a eu lieu au sein de l’association, avec la naissance du groupe Placards…

Placards existait en fait au sein même d’Artifices et publiait régulièrement un fascicule du même nom. Mais ce groupe a préféré continuer ses activités de façon indépendante en s’occupant essentiellement d’organiser de l’événementiel et donc de rechercher des artistes pour ces expositions. Quant à nous, nous voulions nous consacrer à la valorisation de nos œuvres au sein même du pays d’Apt. A plus long terme, nous voulions solliciter la mise en place d’une Maison des Arts en Apt.

Au sein du pays d’Apt, Artifices se pose comme un lieu de rencontres, de réflexions. Le philosophe Philippe Mengue a d’ailleurs activement participé au colloque sur l’art contemporain qui s’est tenu en mai 1998. Un ouvrage en fait aujourd’hui la synthèse. Quelles sont ces nouvelles perspectives dont le titre fait mention ?

Il y a eu ces dernières années de nombreuses polémiques autour de l’art contemporain. C’est dans ce contexte que s’inscrit le colloque de mai 1998 où étaient présents certaines grandes personnalités de l’art contemporain -Yves Michaux par exemple. En partant du constat du pluralisme, la question tournait autour de l’enseignement de l’art dans les universités et les écoles de beaux-arts. Il faut examiner les différentes possibilités face à ce pluralisme. Ca pose le problème de la créativité, mais également celui du rôle de l’Etat, et la question du mécénat.

Tous les artistes d’Artifices vivent et travaillent en pays d’Apt. Mais au-delà d’un simple agrégat géographique, on peut avoir l’impression d’un certain éparpillement. L’exposition Papiers de la Chapelle des Récollets qui vient de s’achever, se présentait un peu comme un inventaire à la Prévert avec une œuvre par artiste et des approches plastiques très distinctes les unes des autres. Sur quoi repose l’unité d’Artifices ?

C’est le problème de nombreuses associations. Nous n’avons pas d’unité d’école ou de chapelle comme on dit. Le moteur tourne autour de la créativité.

D’une certaine façon vous revendiquez ce pluralisme ?

Absolument ! C’est très important ! Il s’agit de prendre en compte les différents points de vue de chacun, et de laisser libre cours à la subjectivité. Les qualités individuelles priment au-delà des différents mouvements.

Je voudrais revenir sur votre participation au colloque sur l’art contemporain dont vous êtes l’un des organisateurs. Artifices semble très impliqué dans la réalité quotidienne de la région. Selon les termes de Claude Agnel -adjoint au maire d’Apt chargé de la culture- le questionnement sur l’art contemporain aujourd’hui s’inscrit dans une véritable « démarche d’aménagement du territoire et de développement durable du pays d’Apt’’. Est-ce que l’art en Luberon aurait une conscience, une volonté politique plus importante qu’ailleurs ?

On espère simplement continuer à participer à la vie culturelle du pays, avec un engagement au quotidien.

Le 8 juillet débutent les Ateliers ouverts d’Artifices. En mettant en avant le lien entre création artistique et territoire, c’est justement une très belle occasion d’arpenter les jolies terres du Luberon. De Maubec à Simiane, chacun pourra partir à la découverte de « l’homme à l’ouvrage’’. Qu’attendez-vous de cet événement ?

En effet cet été, 22 plasticiens d’Artifices ouvrent les portes de leurs ateliers au public, dans tout le pays. C’est la possibilité non pas de voir l’artiste au travail car je doute que chacun fasse des démonstrations dans son propre atelier, mais plutôt de voir le lieu de travail. C’est-à-dire de découvrir le pays et les gens qui y travaillent de façon artistique.

Vous dégagez la très agréable impression d’un dynamisme, d’une vitalité qui pourrait surprendre compte tenu de la situation géographique. Apt se trouve relativement excentré par rapport aux pôles majeurs de l’art contemporain. Comment pensez-vous le rôle d’Artifices à une plus petite échelle, au niveau national ou européen ?

C’est tout à fait notre but. Nous voulons rester partie intégrante de la vie culturelle au niveau local. Mais nous voulons également favoriser un rayonnement au-delà de ces frontières locales. Nous commençons à développer des échanges avec d’autres villes en multipliant les invitations d’artistes étrangers. Et inversement, l’année passée nous avons participé à la Biennale de la Nouvelle aquarelle qui s’est tenu à Weimsassem en Allemagne près de Fulde (canton de Frankfurt, ndlr). C’était un événement d’envergure internationale avec notamment de nombreux artistes abstraits chinois et nous étions les seuls artistes français présents.

Le mot de la fin ?

Nous voulons continuer à contribuer à la dynamisation du tissu local. Mais ceci ne peut se faire qu’au moyen d’échanges culturels et artistiques avec d’autres associations et d’autres villes européennes.

Propos recueillis par

L’atelier idéal
La Chapelle des Récollets
rue Louis-Rousset – Apt (84)
Renseignements : 04 90 74 03 18

Les Ateliers ouverts d’Artifices se dérouleront du 8 juillet au 20 août 2000
Avec la participation de Henri Bauland, Pierre Giroux, Barbara Lindfors, Matha Shearer, Louis Merveil, Fabien Laplace, Sylvie Blanchard, Alexandre Delpuech, Ulla Reimer, Michel Loquet, Natacha Fidler, Karen Howitt, Martine Ques, Edlef Romeny, Nathalie Poissonier, Jerry Krellenstein, Eleonora Bruk, Axel Jacus, Martine Casin, Giselle Maya, Doris Dierks, Edmond Gintoli

Artifices, Art contemporain et pluralisme : nouvelles perspectives – Colloque sur l’art contemporain, Apt, mai 1998 (L’Harmattan – Questions contemporaines, 2000)