La télé rend con. Il suffit de quatre mots pour résumer 50 ans d’abêtissement télévisuel. Car enfin, qui oserait nous contredire : voilà bien un univers préformaté où tous nous sommes des cœurs de cible. Non ? Si. C’est pour cette raison que l’on accueillera avec la bienveillance qui ne nous caractérise que bien rarement un objet comme Devil inside.

Résumons l’argument : vous incarnez Dave Cooper, ancien enquêteur du LAPD reconverti en Philippe de Dieuleveult gore sur WWWL@, la chaîne du paranormal et de l’horreur. Principe de l’émission : fournir au spectateur le plus de chocs visuels possibles en explorant un manoir hanté jusqu’à la moelle. Le cameraman suit et ne rate rien. Le jeu est entièrement axé sur ce postulat d’un cynisme clinique à faire pâlir la direction de l’unité Divertissement de TF1. Serez-vous la victime manipulée de Jack T Ripper, démoniaque présentateur reléguant Jean-Pierre Descombes aux oubliettes dont il n’est jamais véritablement sorti ? Non. Car Dave Cooper est un enfoiré-maniaque-inconscient. Le genre à rire quand il se brûle, voyez-vous. Azimuté, le Dave. A tel point qu’il peut faire surgir le démon qui sommeille en lui, devenant alors Deva, sombre créature à la beauté sépulcrale, qui ne déparerait pas dans une soirée fétichiste donnée aux caves Saint-Sabin (vous voyez ?). Vous l’aurez compris, on a pris soin d’oublier en route le manichéisme oppressant asséné d’ordinaire dans le très disjonctif univers des jeux vidéo (moi-gentil + toi-méchant = boum au carré dans tête toi), ce qui nous fait des vacances à nous les psychopathes déviants prêts à génocider à la ponceuse la première grand-mère venue (cette phrase est dédicacée aux Familles de France). On reconnaîtra tout de même une charge à la légèreté de tyrannosaure contre les excès de la télévision, mère de tous les vices, bien entendu. Mais peu importe car le fun est ailleurs. Dans la glauquissime atmosphère des lieux visités, par exemple, ou dans la puanteur des zombies décomposés croisés au détour d’un couloir. Bref on se détend. Jack intervient en plateau pour nous donner des directives parfois crispantes, tuant une bonne fois pour toutes le suspens inhérent au genre. Le public hue ou applaudit selon les actions entreprises et les angles de caméra choisis (« zoome sur la cervelle éclatée, coco ! »). Du coup, on se prend au jeu et on tente d’en donner au spectateur pour son argent. Mise en abyme digne d’intérêt : nous voilà spectateur et acteur de nos propres méfaits. Plus subtil, on juge les moyens mis en œuvre tout autant que le résultat obtenu. Exemple didactique : mieux vaut éventrer du zombie à la ponceuse plutôt que sniper du mort vivant à 150 mètres, on se salit plus mais l’effet vaut son pesant de Dash 3.

Venons-en aux détails amusants : Devil inside lorgne clairement du côté de Resident evil, qui lui-même pompait odieusement Alone in the dark. On s’attend donc à sursauter à chaque couloir. Irrémédiable gamelle : les commentaires off du présentateur tuent absolument tout effet à vocation « sursautatoire » (non, ce mot n’a pas d’existence officielle). Résultat : on se retrouve avec un jeu d’action / aventure plutôt réussi, propre sur lui et bien fini, doté d’un mauvais esprit évidemment réjouissant pour les sales gamins punkoïdes qui résident encore en nous. Soyons clairs : la chose n’effraiera personne. En revanche, le cynisme morbide fascinera les plus gothiques. On ne s’appesantira évidemment guère sur la charge anti-télévison, à peine plus subtile qu’un film d’Yves Boisset. A propos et pour situer, Devil inside évoque un croisement contre nature entre Le Prix du danger (nanar eighties réalisé par l’ineffable Yves Boisset, déjà cité) et la trilogie gore de George Romero, spécialiste du film de genre avec des zombies cannibales putréfiés dedans. Au final, Devil inside constitue une simulation réussie de ce que pourrait être La Chasse au trésor produite par Marylin Manson. On vous aura prévenus : le tout n’est pas d’une légèreté à toute épreuve mais se déguste sans façon, pour le plaisir de ricaner en se croyant démoniaque, ce qui détend, avouons-le.