Horn of plenty, entre folk primitive et électronique tempérée, est un disque aux entrées multiples, qui sait changer de langues pour s’adresser à toutes les oreilles. Rencontre avec son instigateur, Edward Droste.

Chronic’art : Peux-tu te présenter ?

Grizzly Bear : Je m’appelle Edward Droste, j’ai 27 ans, je vis à Brooklyn NY et viens de Boston, Massachusetts. J’ai commencé à écrire de la musique quand j’étais au lycée, mais c’était si horrible que je préfère oublier cette période. J’ai vraiment commencé les chansons (qui sont devenues Horn of plenty) juste après avoir eu mon diplôme en 2002 et je faisais surtout ça pour m’amuser, dans ma chambre, en jouant avec Pro-Tools. J’ai « cherché ma voix », comme ça, jusquà ce que je rencontre Chris Bear, environ un an plus tard, et qu’il commence à ajouter des choses à ces chansons. C’est ainsi que tout a commencé.

Tu vis à New York. En quoi la ville influence-t-elle ta création ? Des artistes new-yorkais t’ont-ils inspirés (on pense à Arthur Russell ou Animal Collective…) ?

Certaines personnes pensent que vivre à New York est la pire chose qui puisse arriver à un musicien, parce qu’il y a beaucoup de compétition et que les publics sont très difficiles à satisfaire. Personnellement, j’ai trouvé ça plutôt inspirant, notamment le fait que tous les gens talentueux habitent ici, et non pas seulement parce qu’ils m’inspirent ou m’excite, mais parce qu’ils me poussent à sortir tous les soirs aussi ! C’est difficile d’être musicien à NYC et de ne pas connaître les autres musiciens ; donc oui, la « scène » est assez petite et les gens se connaissent, bien que ça dépende aussi de la cote des artistes. Je ne connais pas Interpol, par exemple.

Tes chansons sonnent « lo-fi », mais aussi très cohérentes en termes de production, et finalement, très « produites ». Comment s’est fait ce choix ? Est-ce que conserver le souffle, le bruit, était une manière de créer des textures, une singularité sonore ?

Je pense qu’il y a eu beaucoup d' »heureux accidents » sur cet album : beaucoup de sons ont été trouvés de manière un peu aléatoire pendant l’enregistrement et ont donné sa cohérence à l’album. A l’époque, j’étais amoureux de mon petit magnétophone portable pourri, je chantais dedans et reprenait ces bandes, ce qui a créé ce souffle caractéristique qu’on retrouve sur tout le disque. C’est pour cette raison que ça sonne « ensemble », alors que les chansons ont été écrites sur un laps de temps d’un an et demi.

Penses-tu être influencé par les musiciens « lo-fi » des années 90 (Sebadoh, Daniel Johnston) ?

Je suis influencé d’une manière ou d’une autre par à peu près tout ce que j’écoute. Pas vraiment ceux que tu cites en particulier en revanche car je ne les ai pas beaucoup écoutés. Ce qui ne veut pas dire que je ne les apprécie pas.
L’atmosphère générale de Horn of plenty est confinée, comme un album de chambre (ou de cuisine)… Comment as-tu enregistré ces chansons ? Qu’est-ce que tu apprécies dans ces ambiances introspective ?

Oui, ça sonne confiné parce que ça a été enregistré dans ma petite chambre ! Maintenant que j’enregistre un deuxième album, j’ai envie d’ouvrir un peu tout ça, mais en gardant les mêmes tonalités, humeurs et paysages musicaux déjà présents sur le premier album. On essaie juste de sonner plus riche, plus épique…

La tonalité générale rappelle aussi des artistes un peu dépressif ou psychotique (Syd Barrett, Elliott Smith, Nick Drake). Es-tu ce genre de personne toi-même ?

Je ne me considère pas comme quelqu’un de sérieusement dépressif, quoique je sois actuellement sous anti-dépresseurs. Peut-être donc que je le suis quand même ?!? Mais je n’ai pas prochainement l’intention de me suicider, promis !

Es-tu à la recherche d’une dimension primitive, spirituelle, de la musique ? Ton approche me rappelle celles de Panda Bear ou Ariel Pink…

Le gros de cette période de songwriting a été une libération cathartique pour moi, puisqu’elle correspondait au moment de la rupture avec mon petit ami, donc je considère ça comme très important, au moins pour moi, de ressentir beaucoup de choses quand j’écoute ces enregistrements. J’espère juste que ces émotions sont transmises à d’autres personnes. Et même si je pense que c’est souvent le cas, ça peut prendre parfois un peu de temps pour que l’album s’installe et grandisse chez ceux qui l’écoutent.

Certaines chansons sont des addresses à quelqu’un en particulier (« This is a hymn for you, this is a song for you »). S’agit-il d’une personne réelle ? Dirais-tu qu’il s’agit de chansons d’amour ?

Oui, elles sont toutes, sous différentes formes, des chansons d’amour adressées à mon ancien petit ami et à mon nouveau partenaire. Et elles témoignent de cette transition, ce passage de l’un à l’autre dans ma vie. Ce qui explique que l’album se termine sur une note joyeuse. Du moins est-ce ainsi que je le vois…

Comment est venue l’idée de faire un second CD de remixes ? Comment as-tu contacté les remixeurs ? Quel sont les remixes que tu préfères ?

L’idée d’un CD de remixes est d’abord un hasard. On voulait sortir une chanson en single (ce que nous n’avons jamais fait) et mon ami connaissait Drew Daniel de Matmos / Soft Pink Truth, qui était très excité par l’idée de faire ce remix. L’idée a alors germé en nous de faire d’autres remixes et de proposer un double CD pour la réédition. Je me sens très chanceux d’avoir pu compter sur tous ces gens talentueux qui ont acceptés ce projet quand je les ai approchés. Je n’arrive toujours pas à croire quel groupe de singularités, diverses et incroyables, nous avons obtenu. Je ne peux pas choisir un remix en particulier, mais j’aime certains des plus dansants quand je suis dans une humeur joyeuse, euphorique, et certains plus folks quand c’est ce que j’ai envie d’écouter… Tous ces remixes, c’est un peu un incroyable cadeau de Noël pour moi !

Propos recueillis par

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