Le précédent film de David Ayer, End of Watch, creusait un peu ses méninges pour se fendre d’une proposition sur la duplicité des images contemporaines et le rapport qu’elles entretiennent avec le genre (le film d’action). Rien de tel dans le bien nommé Sabotage, qui est loin de s’encombrer d’une quelconque réflexion. Déroulant avec une notable nonchalance un scénario pêché dans les caniveaux de la TNT (une histoire de cartel mexicain et de fédéraux ripoux menés par Schwarzenegger), les seules questions que se pose Sabotage sont : que reste-t-il de la génération Planet Hollywood ? Quel âge a maintenant Schwarzy ? Une fois les réponses apportées (dans l’action 90’s on puise matière à iconoclasme gentillet et Schwarzenegger a l’âge de teindre ses cheveux au brou de noix), il ne reste qu’à s’amuser avec sa tête d’affiche. Le réalisateur passe donc rapidement sur les étapes obligées de son scénario bancal, même s’il s’applique assez sur les séquences de violence. David Ayer sait filmer une balle qui entre dans un corps, et, puisque l’enjeu est à peu près nul, il se permet des petites folies de mise en scène : une caméra en vue subjective d’un flingue sur le tireur, une partie de GTA, et des morts spectaculaires (les ripoux, décimés un à un par les Mexicains). Mais dès qu’il en a l’occasion, il se précipite sur sa poupée Chouarzi  comme un enfant impatient, et en oublie la mise en scène, réduite à une caméra portée et à des zooms/dézooms nerveux tout à fait hors propos. Ce qui l’intéresse, c’est de passer des tenues à sa Barbie (son Action man, disons), du costard ringard au Barbour élégant, en passant par le sweat capuche streetwear, le chapeau de cow-boy et le gilet pare-balle.

Si l’ex-monsieur muscle à l’accent autrichien reprend du service et de la sulfateuse, on ne peut pas dire qu’il s’agisse d’un véritable come back, puisque comme (et avec) son copain Stallone, il a déjà donné dans les rôles amusés de vétéran, de la franchise Expendables à Evasion, nanar de Mikael Håfström sorti il y a quelques mois. Ici, il n’a pas grand chose à perdre, ce qu’il fait désormais n’étant rien de beaucoup plus important qu’un passe-temps de retraité de la vie politique, son bridge à lui. Du côté des spectateurs, personne n’est plus dupe, il y a longtemps que l’on enrobe d’autodérision la pure virilité des années Reagan pour la faire gober. Dans ce rayon, Sabotage tient plutôt ses promesses, surtout lorsqu’il s’agit des clins d’œil que suscite la présence du comédien principal, obsédé par le fitness. Une fliquette, chargée de seconder l’agent du FBI Schwarzenegger, se trouve ainsi dans le bureau de ce dernier, et découvre des photos de lui en compagnie d’Obama, de Reagan ou de Clinton, avant de s’exclamer : « So, you’re kind of a big deal ? », à quoi l’intéressé répond d’un air finaud, pour la plus grande joie du public : « Yeah, I’ve been around ». Un peu plus tard, alors que la fliquette s’est laissé aller au charme du grand homme, un collègue lui demande : « Alors, elle est grosse ? Dis-le moi, ce type est une légende ! »

A l’image de ces répliques, le film semble osciller de la déférence à la taquinerie potache, et David Ayer hésite toujours entre la franche bouffonnade (à laquelle il aurait aisément pu s’en tenir) et la confection d’une nouvelle image à ajouter à l’iconographie Schwarzenegger. D’où ces plans pompiers, et cette séquence si cérémonieuse en fin de parcours, voyant le vieux lion assis dans un bar qu’il vient de passer au tromblon, le cigare et le sourire aux lèvres, défiant la mort en un regard caméra. Le réalisateur cherche à compenser le je-m’en-foutisme global de l’entreprise en se demandant comment réinventer Schwarzenegger. C’est le problème : Sabotage ne module en rien l’acteur-genre Schwarzenegger, dont les codes sont établis au moins depuis Cameron ou Mc Tiernan. L’acteur était déjà celui dont on rit, et qui rit lui-même de son corps et de son accent. Contrairement à Stallone le cabossé, plus sérieux et plus désespéré, les films Schwarzy sont bi-goût depuis toujours (biscoteaux/lol), et la recette que propose ici David Ayer (toute savoureuse qu’elle soit) sent un peu le vieux chewing-gum. Ne reste alors à Sabotage que le vague effet madeleine, qui, au mieux, invite à retrouver ses VHS de True Lies ou de Last Action Hero.