Alors que les zombies continuent de déferler sur tous les supports possibles et inimaginables, d’autres hordes sanguinaires pourraient bientôt les rejoindre et contribuer à une indigestion générale. Si la présence des vikings sur nos écrans reste encore limitée, il est fort à parier que l’on puisse noter une nette recrudescence dans les années à venir, Hollywood s’étant lancé dans une grande entreprise de réinvention de l’Histoire de l’humanité. Etant actuellement en pleine période péplum, les vikings ne devraient pas tarder à retrouver le chemin des grands écrans en masse. En l’état, ils pillent allègrement ce qu’ils peuvent trouver, à savoir les sanctuaires confortables et lucratifs de la télévision. Passons sur les nombreux direct-to-video à la qualité douteuse et revenons sur History Channel, qui mise tout sur sa première oeuvre fictionnelle. Si la première saison nous laissait cette sensation de docu-fiction, notamment dans sa peinture du quotidien des vikings, cette nouvelle salve d’épisodes gagne en épaisseur narrative et la reconstitution est toujours aussi soignée (même si l’on peut toujours regretter ces batailles parfois cheap, à peine relevées par une mise en scène esthétique).

Le véritable problème de Vikings est malheureusement toujours aussi présent: l’emprise de son créateur, Michael Hirst. Showrunner et unique scénariste, il insuffle à la série une cohésion générale mais se perd bien souvent dans des errances pédagogiques (sa carrière se résume essentiellement aux récits historiques) et très vite le manque d’une writing room créative et aux idées hétérogènes se fait sentir. N’est pas Nic Pizzolatto qui veut.  Pourtant, cette seconde saison se fait bien plus politique et le contexte historique  n’est qu’un prétexte pour dépeindre des comportements contemporains. Ragnar Lothbrok est un autre genre de politicien mais il synthétise le caractère de toute une civilisation. Des conquêtes aux alliances, les trahisons sont légion et le pardon, une valeur chère à obtenir. L’occasion pour la série de nous offrir des séquences d’une violence si ce n’est graphique, au moins évocatrice de l’âge des Vikings.

Partagé entre ses croyances qui font de lui une sorte de héraut en devenir et son affect personnel, Ragnar représente assez bien le refus poli du manichéisme voulu par Hirst. De la rédemption de son frère au divorce avec Lagertha mais aussi la naissance d’un enfant singulier, Ragnar est un homme perpétuellement confronté à des choix. C’est lorsqu’il ne contrôle pas les choses comme il l’entend que Ragnar devient ce viking à la conduite versatile et parfois légère. Cette nouvelle saison est également l’occasion de confirmer la force des seconds rôles qui composent la série. Une force si bien travaillée qu’elle ferait même de Ragnar un personnage mineur sur certains plans, dominé par un Donal Logue toujours aussi juste mais aussi par toute une galerie d’antagonistes au charisme convaincant (d’un Jarl Borg habité au Roi Ecbert, homme cultivé et fin stratège).

Mais là où Vikings puise sa véritable valeur tient dans la caractérisation de ses personnages féminins. Une palette nuancée où chaque femme est aussi affirmée que différente, symbole d’une civilisation où le sexe faible dépassait sa fonction et son statut. Si elle n’était pas l’égale de l’homme, elle lui était tout de même supérieure sur de nombreux aspects. En cela, le choix de Hirst de ne pas les réduire à de simples faire-valoir est à saluer.

Comme chaque lecteur d’une oeuvre attendrait patiemment de voir à l’écran ce qu’il a pu lire, les attentes concernant Vikings restent toutes aussi louables, même si, de toute évidence, de grandes libertés narratives et historiques ont été instaurées pour faciliter le développement de nombreuses arches. Hirst a développé cette saison ce véritable combat de foi en la personne d’Athelstan, partagé entre son christianisme et son adhésion au culte païen. Son rapprochement avec Ecbert peut même nous laisser penser à un futur narrateur de texte anglo-saxon ou même de sagas tant son aptitude à conter l’a uni à un parcours mystique (atteint de visions et de stigmates, il revêt une dimension quasi christique).La série promet déjà la venue de nombreux personnages historiques, essentiels à l’histoire viking. Gageons que la constance de qualité des seconds rôles leur donne l’importance qu’ils méritent. Toute aussi intéressante que Vikings restera, de l’audace narrative de la part de Hirst serait plus que bienvenue pour transcender son matériau et en faire un objet avec un peu plus d’aplomb que son caractère scolaire actuel.