Difficile de retenir un sourire narquois devant l’entrée insolite de Traffic giant dans l’arène ludique. Un jeu si peu annoncé, de fait, si peu attendu. Le canular atteint son paroxysme lorsque la future victime dévoile son arme secrète : ici, il ne sera pas question de tuer à tout va mais plutôt de construire des lignes de bus, de métro ou de tramway dans un environnement urbain dense ou clairsemé. Conscient d’un manque d’intérêt certain, le joueur, médusé, a même droit au bonus suprême : le mea culpa des concepteurs qui s’interrogent sur la validité d’une telle production.

Non content de proposer un défi austère, Traffic giant choisit de refuser tout compromis avec une quelconque dramatisation ou mise en spectacle. Contrairement à Railroad tycoon, aucune contextualisation, qu’elle soit d’ordre historique, scientifique ou économique, ne vient égayer les différentes missions et ainsi accroître l’imprégnation du joueur. Au plus proche du réel, cette simulation de transports urbains n’a pas non plus la prétention de traduire la beauté froide et mécanique des machines à vapeur. Ici, un bus est un bus, c’est-à-dire au mieux fonctionnel, au pire déglingué aux mains d’un chauffeur désagréable et irascible. Quant aux cinématiques, chiches et lourdes à charger, elles constituent à peine une pause rafraîchissante dans la progression tant souhaitée du chiffre d’affaires.

La sobriété est aussi de rigueur au niveau du gameplay. Peu de surprise, mais des options efficaces et denses. Les modes « rôle partiel », « scénario concis », ou « campagne infinie » dressent les possibilités d’évolution du joueur au sein de son entreprise. Comme à l’accoutumée, un nombre incalculable de paramètres est à prendre en compte afin d’espérer quelques rentrées d’argent subsidiaires : au hasard, le prix du billet, les salaires des employés, les points et nombres de passages des bus. Plus encore, la considération des besoins et envies des clients potentiels est un atout sûr dans l’augmentation des bénéfices. D’autant plus qu’ils sont complexes au possible : le mari se doit d’aller au travail, la femme aux commissions et le dernier bambin à l’école puis à la piscine, le tout à des heures différentes.

Pour le néophyte, Traffic giant est donc l’occasion rêvée d’obtenir un mal de tête carabiné. Dans tous les cas, il ne faudra pas compter sur la réalisation graphique pour lui apporter un quelconque secours. L’attachement du jeu à la reproduction de situations quotidiennes s’organise autour de villes aussi diverses que Deauville, Monaco ou Grasse, modélisées en 3D. Une présentation digne des premiers Sim city, les effets de zoom accroissant le malaise.

Au final, les premières campagnes catastrophiques accompagnées d’un tutorial occulte pénalisent le non-spécialiste lancé au beau milieu d’une horde de riverains aux multiples besoins. Jamais contents les riverains ! A réserver aux gestionnaires en devenir, ou autres analystes de flux.