Chaque année, American Horror Story reboot son schéma narratif et précise un peu plus son ambition d’inventaire foutraque et malin des traumas historiques et des névroses modernes made in USA. Après la maison hantée et l’hopital psychiatrique, c’est au tour du paradigme du “couvent” de devenir le théâtre d’un réglement de compte thématique des Etats-Unis avec leur propre History of Violence.

Suite à son dépucelage soldé par le décès surnaturel de son partenaire, la jeune Zoey se voit confiée par sa mère à l’école de Miss Robicheaux en Louisiane. Un internat pour jeunes filles douées en sorcellerie, dirigé par Cordelia Foxx et sur lequel plane l’ombre de sa mère, la terrible Fiona Goode, sorcière suprême mais fashionista déclinante en plein déni de vieillesse. A l’aide d’une élève télépathe, Fiona déterre une artistocrate raciste-esclavagiste enfermée là il y a 150 ans par une puissante et elle aussi immortelle sorcière vaudou, Marie Laveaux. La guerre entre les deux clans de sorciers peut commencer.

Ryan Murphy (Nip/Tuck, Glee), créateur de la série, nous avait prévenu: cette saison serait plus légère et plus drôle qu’Asylum. Pas très difficile étant donné les sommets de sadisme et de tensions psychologiques qui avaient accompagné l’éprouvante visite de l’hôpital de Briarcliff. Dans les faits, Coven oscille effectivement entre soap teenage (Charmed, Buffy), Harry Potter et grand n’importe quoi baroque et foisonnant à la True Blood. De la saga d’Alan Ball, Coven emprunte d’ailleurs la thématique des tensions communautaires et du racisme, sans hélas oser s’aventurer au bout de son propos. Un symptome qui revient tout au long de cette saison. Là où Asylum, sans presque recourir au surnaturel, avait valeur de bilan accablant pour l’institut psychiatrique d’après-guerre, Coven sacrifie presque systématiquement les jolies pistes de sombre réflexion qu’elle contient (le matriarcat, le jeunisme, la passation de pouvoir, la sororité, le féminisme, le ressentiment afro-américain post-esclavage … entre autres) sur l’autel d’un rythme narratif hystérique. Empoisements, zombies, vaudou, serial killer, inceste, torture, GHB, viol collectif, bûcher, meurtres et résurrections en pagailles – tout et tout le monde y passe. Cette surenchère constante a le mérite de ne laisser aucun épisode à plat même si on plaint d’avance le binge watcher qui engloutira la série en un week-end.

Comme à son habitude depuis le final bouleversant d’Asylum, Murphy a l’élégance de laisser à la fabuleuse Jessica Lange le soin de conclure par une performance dramatique, tout en nuance et d’une tristesse glaçante, son histoire de sorcière. Cette incarnation pop de Blanche-Neige était une mondaine habillée en Prada, et multipliant les amants. Jusqu’au bout, elle aura essayé de jouer à ce jeu(nisme) à la fois moderne et aux fondements très archaïques qui consiste à détruire la beauté à défaut de pouvoir conserver la sienne. En gardant les fondements du succès des saisons précédentes (casting béton, interprétation adéquate et réalisation carrée de faiseur à l’ancienne), American Horror Story Coven confirme par son changement de ton l’incroyable versatilité de Ryan Murphy en tant qu’auteur.