Après deux premiers singles modern-disco (Tunnel music) ou circa ESG (Serious trouble), parus l’année dernière pour le bonheur des dancefloors underground, le japonais émigré en Angleterre Susumu Mukais, aka Zongamin, signe aujourd’hui un premier album instrumental et varié qui constitue une vraie réussite de groove abstrait mais sensible, dans la morne plaine house-electroclash de cette fin d’hiver.

Ce jeune homme de 29 ans, retenu également par la dernière compilation Colette (la N°4, où l’on retrouvait aussi les singles de LCD Soundsystem et de The Rapture), est en train de se faire une place au soleil avec un premier album qui marquera les esprits, pour son sens précis du décalage, son art du déblayage, sa schizophrénie sublimée. Sur 12 titres éclectiques et électroniques (dans son sens large, le japonais faisant régulièrement appel à de véritables instruments), Zongamin parcourt le large spectre de la dance-music actuelle, réinventant une forme en voie d’essoufflement, par son sens du déplacement et de l’énigme : new-wave (Spiral), funk (Serious trouble), disco (Tunnel music), post-punk (Painless), electro (Double Dostiev) ne sont que les repères les plus identifiables d’une musique mutante, qui emprunte aussi au hip-hop (les scratches de Street surgery) au hard-rock (Make love not war, très Add N To (X) également) ou au rock lo-fi (Whishplash). Mais plus que l’accumulation éclectique d’influences, Zongamin est parvenu à se créer une véritable identité musicale, par un sens mélodique évident (empruntant autant aux comptines enfantines qu’aux musique de films) en agençant ses instrumentaux de manières souvent déroutantes : un écho intempestif, un break impromptu, des percussions ethniques venues d’on ne sait où, une répétition de beats sec qui se saccade, se déconstruit, s’amenuise. Autant de mauvaises habitudes qui se perdent, et qui relancent régulièrement le désir de l’écoute. En boucle.

C’est en surprenant son auditeur à partir de schémas musicaux biens connus que Zongamin parvient à créer d’abord l’attente, puis la curiosité, et au final, un véritable plaisir. Mixant avec légèreté Siouxsie and The Banshees, Miles Davis, Prince, Arthur Russell, The Tornadoes, Bowie, Joy Division, The Cramps, les B.O. de films avec Vincent Price et un réel sens de l’humour, son album restera sans doute, avec sa talentueuse humilité, comme un futur classique de dance-music intelligente.