Du travail du pianiste grec Vassilis Tsabropoulos, on connaît une facette proprement jazz (notamment avec le bassiste Arild Andersen, dans le splendide The Triangle) ainsi qu’une autre qui, pour n’être évidemment pas sans rapport avec le jazz, tire volontiers du côté de la musique classique, ou de la musique contemporaine : ainsi en allait-il par exemple d’Akroasis, passionnant travail improvisé sur d’anciens cantiques byzantins, ou de Chants, hymnes and dances, enregistré en 2004 avec la violoncelliste Anja Lechner (fondatrice du Rosamunde Quartet, et dont on se rappelle notamment l’incursion vers le tango de Kultrum, avec Dino Saluzzi). C’est dans cette seconde veine que se tient Melos, qui en constitue la suite, et où les deux musiciens sont à l’occasion rejoints par le percussionniste italien U.T. Gandhi (qu’on entend chez Enrico Rava et Miroslav Vitous). Là où Chants était axé sur la musique traditionnelle byzantine et dominé par les mélodies du célèbre doctrinaire ésotériste Georges Ivanovitch Gurdjieff, mentor du pianiste, Melos est centré sur les compositions personnelles de ce dernier, seuls deux thèmes de Gurdjieff figurant au programme. Le résultat n’est pas moins captivant : après une entrée en matière à la tonalité contemplative, on retrouve vite le sens de la pulsation et de la répétition qui rendaient si obsédantes les mélodies d’Akroasis, la musique fluant et refluant en intensité avec des airs de jeu de construction où les improvisations sur les ostinatos et arpèges de Tsabropoulos. D’une certaine manière, on pourrait dire du duo Tsabropoulos / Anja Lechner qu’il fait à partir de la musique traditionnelle grecque ce que le duo Ketil Bjornstad / David Darling faisait avec la musique de Byrd et Gibbons dans The River et Epigraphs : une relecture impressionniste, inclassable, majestueuse, envoûtante. A découvrir.