Public Information est un label anglais dévolu à la fois aux rééditions de raretés et aux productions actuelles, cultivant une musique électronique glaciale et sophistiquée. On lui doit des signatures comme Acteurs, ADR, Katie Gately, I V V O… ainsi que la redécouverte du label d’illustration canadien Parry Music ou celle de Frederick C. Judd, pionnier de l’électronique primitive anglaise. La démarche de Public Information est plutôt bienvenue : il s’agit, un peu à la manière de Ghost Box, d’éclairer le présent à la lumière du rayonnement fossile de trésors enfouis dans un passé proche, au-delà de toute nostalgie ou d’une quelconque rétro-maniaquerie exaspérante. Plutôt que de céder à la vogue des rééditions paresseuses de Graals oubliés, prétendument restaurés dans leur gloire initiale, l’équipe de Public Information fournit un patient travail d’exhumation, de défrichage et de sélection. Saluons également le remarquable habillage graphique, miroir de leur quête esthétique, jetant un pont entre hier et aujourd’hui, comme un précipité alchimique alliant les exubérances pop révolues et l’austérité fonctionnelle contemporaine.

Tombant à pic, cette compilation tire de leurs limbes les productions de la Standard Music Library, société d’illustration sonore anglaise sans doute mieux connue Outre-Manche. Fondée à Londres en 1968, sorte d’équivalent britannique de nos Montparnasse 2000 ou Telemusic hexagonaux, Standard Music est une des rares compagnies encore en activité. Brian Eno y a notamment publié son disque le plus rare, Textures  en 1989, et entre autres pépites, on trouve un splendide disque de Li de la Russe & Nikki St. George (mieux connus sous les noms de Delia Derbyshire et Brian Hodgson).

Le norvégien Sven Libaek, les anglais Basil Kirchin et Ron Grainer ont également produit quelques pièces d’une grande beauté pour les disques SML… La longévité du label est probablement due à sa capacité d’adaptation aux fluctuations de la mode et à son aptitude sans faille à digérer les nouveaux courants musicaux (avec ce mélange si déconcertant d’opportunisme et d’audace avant-gardiste qui caractérise la fine fleur des sociétés d’illustration) ; son catalogue pléthorique propose ainsi un surréaliste éventail de styles musicaux s’étendant du classique au dubstep, en passant par l’exotica, la drum’n’bass, l’ambient… Une bibliothèque sonore exhaustive destinée à venir tapisser l’arrière-plan brumeux de films et téléfilms, spots publicitaires et autres médias.

La sélection que nous offre Public Information est principalement axée sur la facette électronique des productions SML et fait la part belle à quelques compositeurs plus ou moins obscurs, contemporains et vétérans, la compilation couvrant quarante ans d’illustration sonore. Parmi les vedettes (de l’ombre), on retrouve l’impeccable Brian Hodgson issu du BBC Radiophonic Workshop à qui l’on doit les effets sonores émaillant les thèmes musicaux de la série Doctor Who, Mike Vickers ex-Manfred Mann, dont le Homing Nucleus est une pure merveille, Reginald J. Lewis, l’ex-tête des charts John Kongos (« He’s gonna step on you again »), ou encore John Keating et son sublime Haley’s Largo. George Martin, le célèbre producteur des Beatles, s’essaie nonchalamment à une innocente fantaisie pour Moog, tandis que Naim Amor, du groupe Amor Belhom Duo, délivre un interlude romantique pour flûtes.

Seul bémol : la volonté de couvrir un champ aussi large de productions électroniques peut parfois s’avérer lassante, les différences de grains synthétiques se faisant douloureusement sentir. Comme il en allait déjà sur la compilation Tomorrow’s Achievements – Parry Music Library 1976-1986, on passe d’élégantes envolées analogiques à d’insipides plages ambient qui nuisent (un tout petit peu seulement !) à la pertinence du florilège. On déplorera enfin, comme sur la compilation Parry, quelques oublis regrettables : Laurent Voulzy  a sorti son meilleur disque dans l’anonymat de la collection des Standard Music libraries, une musique d’illustration surf-garage bancale et élégante, ayant notamment servi à meubler les arrières plans sonores deux ou trois films érotiques, dont l’inoubliable Maîtresses de vacances de Pierre Unia. Une authentique perle comme QX VII (composée par Voulzy en 1975), dont on attend encore la réédition en grande pompe, méritait largement de figurer sur cette compilation. Rendons néanmoins grâce à Public Information d’avoir insufflé une seconde vie à ces joyaux électroniques, brillant d’un nouvel éclat à la lueur d’un présent glacial et désincarné.

 

Pré-écoute ici

https://soundcloud.com/public-information/standard-music-happy-machine