Thuriféraires (ça veut dire : « porteurs d’encens ») d’une religiosité sans texte (pas de référence explicite à une religion), les Polyphonic Spree en conservent les signes extérieurs (robes colorées, marches pieds nus dans le désert, optimisme béat) et les slogans abstraits et enthousiastes (« You gotta be good, you gotta be strong »), à la poursuite d’un son hybride, mariant la puissance du rock (le rythme) à l’imaginaire de la pop (les mélodies). Influencé par la « teenage symphony to god » de Brian Wilson, la chorale enfantine du Langley Schools Music Project, le « wall of sound » de Phil Spector, ou tout le soft-rock des early 70’s californiennes (Free Design, Sagittarius), le choeur gospel-pop texan des 25 âmes hippies mené par l’illuminé Tim DeLaughter, sort un deuxième album beaucoup mieux produit (par Eric Drew Feldman, ancien membre du groupe de Captain Beefheart) que le précédent (The Beginning stages of The Polyphonic Spree), la clarté des sons et un mixage propre et net donnant plus d’efficacité que jamais à ces hymnes en escaliers, qui commencent doucement et finissent très, très fort (heavy), en même temps que l’aspect lisse et désincarné d’un mysticisme high-tech. Quelque part entre les envolées excessives des Flaming Lips, une comédie musicale hippie-70’s (Jesus Christ superstar, Hair) et une émission de télé-évangélisation, les Polyphonic Spree ont un peu perdu leur côté sympathique lo-fi pour devenir parfois une grosse machine, ou un gros machin, qui fait parfaitement son effet (« wahou ! »), ou s’essouffle sur la longueur (environ 58 minutes), selon l’implication de l’auditeur…

Claviers, percussions, flutes, harpes, hautbois, trompettes, trombones, violons, theremin, font notamment partie des armes non conventionnelles utilisées par le groupe pour produire son effet : porter l’auditeur, obtenir sa reddition (« surrender »), faire monter en lui une profonde et intense vague d’émotion, à laquelle il ne manquera plus qu’un but (à chacun de découvrir le sien), pour s’extérioriser. Dès lors, tout semble possible et l’objectif du groupe est atteint : « exprimez-vous », « chantez », « just do it », en quelque sorte. Tim Delaughter, à 38 ans, semble en passe de réaliser son rêve, un rêve de grandeur et d’harmonie, qu’il construit patiemment, album après album, « sections » après « sections » (ce ne sont plus des « chansons », ce sont des « sections »), dans un trip arty et conceptuel qui doit autant à l’époque (obscurantisme, peurs diverses, besoin de repères et de nouveaux liens collectifs) qu’à un parcours personnel (de la pop au rock, de son groupe Tripping Daisy à la mort de son ami guitariste Wes Berggren, de la déprime à la « foi »…).

Malgré sa possible lourdeur (ces chansons s’apprécient sans doute mille fois plus dans l’immédiateté collective du concert live), cette pop transcendantale donne l’impression que les moyens (la puissance) comptent au moins autant que les fins (le salut ?). Une expérience à tenter ?