Incroyable révélation chicagoane, ce premier album de The National Trust, qui n’avait jusqu’à présent publié qu’un seul 45t sur Thrill Jockey, sera avec In the afternoon de L’Altra (toujours Chicago) le disque majeur américain de ce premier semestre 2002. Conçu comme une sorte de mille-feuilles musical, avec parfois 35 pistes de voix sur un seul morceau, cet album a été enregistré sur une durée de deux ans, grâce, selon la légende, aux subsides de gains réalisés à Las Vegas. Les neuf compositions de Neil Rosario sont magnifiquement épaulées par les talents de producteur et de batteur/percussionniste de Brian Deck (déjà repéré chez Red Red Meat, Califone, Modest Mouse et Him). Cet album épique a donc été mûri durant de longs mois dans les studios Clava et Engine, pour un résultat qui s’avère aussi savoureux qu’un antipasti de tomates, longuement séchées, avec amour.

Making love (in the natural light), un titre déjà paru sur 45t est un long morceau où s’entremêlent couches de voix, d’harmonies et d’orgues, pour un résultat aussi beau que son titre, où se croisent les Rascals, David Crosby, Colin Blunstone ou Free Design. Le son est prodigieux, jusqu’à 70 pistes ayant ici été utilisées à fort bon escient et non pas en pur gâchis technologique comme certaines oeuvres ampoulées peuvent parfois l’être. Le reste de l’album est d’un niveau exceptionnel, notamment du point de vue vocal, le chant de Rosario rappelant tout aussi bien le falsetto de Curtis Mayfield que les intonations de Sam Prekop de The Sea & Cake, deux autres illustres ressortissants chicagoans.

Dekkagar, s’il possède ses moments plus rock comme la fin, toutes guitares en avant, de Lachrymosa, est avant tout une magnifique oeuvre de musique pop, plus mélodique (superbe Neverstop avec ses riffs de guitare blaxploitation) que symphonique. Si les références sont parfois évidentes (Steely Dan, Blue Magic, United States of America ou même les High Llamas…), elles n’en demeurent pas moins de simples aubades printanières, tant l’univers de Rosario reste unique dans sa complexité multipistes et sa plastique irréprochable. Un album parfait, osons l’avouez.