Mike Ladd vient d’un autre monde, d’une autre contrée habitée par des antihéros, des parias sans le sou dont les armes sont la verve et le mot, le son et le flowGun Hill Road est un album conceptuel qui expose un combat héroïque, plaçant face à face les Infesticons (censés être les gentils) et les Majesticons. On ne sait pas grand-chose de ces derniers, si ce n’est qu’ils constituent une clique de virulents humanoïdes désirant dévaliser le monde de sa réalité… Après avoir sorti deux excellents albums, Ladd est de retour avec ce disque original ; et dont les invités prestigieux figurent parmi les pointes du hip-hop new-yorkais (Company Flow, Saul Williams, Golden Child…).

L’album commence très fort avec le Cinderella Theme et les premiers phrasés de Yazeed rappelant la voix typique d’un Method Man au meilleur de sa forme… Tout aussi subtil, le second titre, Hero Theme, est un morceau léché et envoûtant, sur lequel le sieur Infesticon #0 (Ladd lui-même) enchaîne les mots avec une désinvolture déroutante… Le principal atout de Gun Hill Road réside ainsi dans la puissance de ses instrumentaux : breakbeats archi-travaillés, parsemés de synthés tordus, et d’une alliance de samples ingénieux. Precious Theme et Chase Theme en sont des exemples frappants… Le dernier morceau de l’album, Night Night Theme, pur bijou rythmique, permet à Company Flow de déverser un discours rageur, emporté et assez persuasif. On regrettera seulement que l’œuvre de Ladd soit inégale. Certains titres sont lourds et pesants (Church Theme), voire très ennuyeux (Shampoo Theme, dont le remix du single est plus réussi). En voulant trop se rapprocher des reading sessions, inspirées par les écrivains beat, les adeptes du Slam finissent par lasser ou agacer (la voix de Liza Jessie Peterson sur Figurine Theme est difficile à apprécier, malgré la puissance des rythmes qui la soutiennent).

Le travail de Mike Ladd est sans conteste attachant et riche en innovations, mais son dernier opus navigue malheureusement entre deux eaux. Dans la première, trouble et vaseuse, se sont empêtrés des poètes lyriques, peut-être plus habitués à des rythmiques moins violentes… Sur la seconde, claire et limpide, naviguent avec aisance des MC terroristes du flow. C’est précisément ici que les Infesticons se distinguent brillamment du lot ; en extirpant les tripes du hip-hop pour faire naître un son nouveau.