Plus de vingt-cinq ans d’activisme musical dans l’ombre, plus de quinze albums à son actif, et la reconnaissance qui commence à venir ; Pascal Comelade est bien ce que l’on peut appeler un artiste culte. Ce fou d’instruments -il en a inventé des dizaines- pas comme les autres (guitare en plastique, toy piano… et même lapins-tambours !) continue son bonhomme de chemin loin du tumulte des médias, au gré de l’inspiration et des rencontres. On avait beaucoup parlé de L’Argot du bruit, un disque splendide et pas seulement parce qu’il marquait la collaboration de deux beaux artistes, Comelade et PJ Harvey.

Aujourd’hui, le Catalan autodidacte nous surprend de nouveau avec sept reprises, dont celle de September song (Kurt Weill), en compagnie de Robert Wyatt. Ce morceau est simplement parfait. Comelade revisite à l’aide de son ukulele de contrebande ce classique à sa manière, mais sans trop en faire, tout en mettant en avant et en valeur la voix toujours magnifique de Wyatt. Un pur bonheur. En prime, il s’offre, tout seul cette fois, une relecture du Signed curtain de son prestigieux invité.

Mais on n’est pas au bout de nos surprises. On a droit à une rafale italienne vraiment somptueuse, avec Come prima (reprise carrément magistrale et hilarante), 24 Mila baci et L’Italiano. Ce qui paraissait incroyable sur le papier -Pascal Comelade s’attaquant aux grands classiques de la chanson italienne- devient, après une écoute seulement, évident. Les talents de miniaturiste de Comelade sont en totale adéquation avec ces compositions que l’on connaît par cœur, et l’on finit par se dire que, finalement, Comelade a tout pour faire un vrai « hitmaker ».

En complément, deux autres morceaux archi-connus, The Sheik of Araby et Knockin’ on Heaven’s door, achèvent de nous convaincre du génie de Comelade. Sur le deuxième de ces morceaux, la guitare à deux francs sonne comme un étrange mais magnifique écho à la voix nasillarde de son illustre compositeur, Bob Dylan. Rarement des reprises auront sonné à ce point comme des morceaux perso de celui qui les reprend. On finit même par douter que ce soient des reprises, et pourtant, impossible de ne pas reconnaître l’original dès les premières notes de chaque morceau. Comelade ou pas, ce petit disque est grand.