Avec l’ingénuité désarçonnante d’un garçon qui voudrait faire croire qu’Alicia Keys, les Gypsy Kings et Jeff Buckley ont été les principales influences de son premier album solo, The Boy who floated freely, Ramón Alarcón a du mal à taire le petit indie punk kid qu’il était encore jusqu’à son installation à Philadelphie : « J’ai commencé à jouer de la guitare vers 8-9 ans, écrit mes premières chansons quand j’avais 11 ans, et eu mon premier groupe avec mon frère à 13 ans. Ca s’appelait Good for something et on jouait du ska et du punk. Je chantais et je jouais de la guitare. Plus tard, on a continué uniquement le punk, façon rockabilly, mon frère à la basse et moi sur une Gretsch de 1957. J’avais 18 ans quand j’ai formé mon deuxième groupe, Denver in Dallas. On faisait de l’indie rock bien nerveux, l’éclate ! Mais je n’ai commencé à chanter comme je le fais aujourd’hui qu’avec mon projet actuel, Ramona Córdova ». Du haut de ses 21 ans, cet Américain east coast joue de son identité flottante, favorisée par une ascendance compliquée (Canaries, Porto Rico, Haïti et Philippines, côté grands-parents), aujourd’hui entretenue par le nom de son projet (Ramona Córdova n’est autre que le nom de sa grand-mère), sa voix de fausset et son goût pour les contes de fées : « Pour l’essentiel de cet album, des histoires comme Blanche Neige et Pinocchio ont beaucoup compté dans la manière dont j’ai décidé de chanter, et pour les choix de lignes mélodiques que j’ai faits pour ma voix et la guitare ».

The Boy who floated freely se présente comme un de ces ovnis trans-genres s’inventant ses propres formes : ni musique pour enfants, ni conte musical, ni folk, ni musique de gitans mais un peu tout cela à la fois. Une musique qu’habite un supplément d’âme, sans doute la part la plus impalpable de ce disque et pourtant la dernière chose qu’il en restera. Ni Ella Jenkins ni Marc Bolan, ni Joanna Newsom ni Ivor Cutler, ni José Afonso ni Robert Wyatt, mais sans doute une commune capacité à créer de toute pièce un univers jamais entendu par ailleurs. « Je crois vraiment que je n’ai fait rien d’autre que m’asseoir et réfléchir jusqu’à ce qu’une bonne histoire jaillisse. Au tout début, mon intention était de raconter une histoire et de trouver les moyens de donner l’impression à chacun d’être au cœur de cette histoire. Puis l’histoire est devenue l’histoire d’un gamin sur une île, puis l’histoire d’un gamin sur une île qui rencontre des gitans, puis l’histoire d’un gamin sur une île qui rencontre des gitans et tombe amoureux (…) J’adore les gosses et raconter des histoires. Mais je n’ai pas pour autant pensé qu’il fallait que je fasse une histoire qui ait trait à l’enfance. Je crois plutôt que ce qu’on entend sur mon disque, ma voix de fausset, ces voix chevrotantes que je pouvais entendre sur des chansons d’époque, et les choeurs qui tapissaient les ouvertures de vieux films allaient de pair avec les films pour enfants comme Blanche Neige« .

Alors qu’il n’était encore disponible que sur le label de punk américain ECA, via deux mailorders (Interpunk et Download Punk), l’album s’est taillé une réputation galopante au sein de la blogosphère et de la communauté de MySpace, où des morceaux se trouvent en écoute et des annonces de concerts impromptus à domicile postées par Ramón environ une fois par semaine. Résultat des courses : le label parisien Clapping Music sort ces jours-ci en licence l’album de Ramona Córdova pour le Japon et l’Europe.