Ce disque se présentait comme la rencontre entre Pulp, le groupe, et Scott Walker, le producteur. Prometteuse martingale. Pulp : Le meilleur groupe anglais du monde ; le meilleur groupe du monde anglais. La chose de Jarvis Cocker, songwriter déprimant et star pour midinettes. Léonard Cohen et Clo-Clo. Scott Walker : La plus grande voix de baryton de la pop musique. Auteur de disques composés de sublimes guimauves auteuristes dans les 70’s, émulés sans succès par Bowie. Puis auteur du meilleur disque des 90’s : Tilt, trou noir coldwave, également émulé sans succès par Bowie.

On spéculait, fiévreux, sur une overdose de démesure : ballades au piano avec l’orchestre philharmonique planqué derrière le rideau, refrains superlyriques avec ouverture des vannes aux violons par torsades. Ou encore, plutôt dans le genre de Tilt : ambiances poisseuses de café noir, spéléologie avec une petite cuillère et une bougie, ronronnement de réacteur nucléaire. Enorme déception des premières écoutes : We love life est un disque normal. Un disque de pop-rock à guitares, arpèges, battues folk, secondes guitares électriques. Un disque modestement surproduit, sans d’autres excentricités que, çà et là, des sections de cordes convenablement arrangées ou une petite guitare reverse raisonnablement psychédélique… Un disque banal, en somme, certainement le mieux produit de Pulp, mais à l’aulne de seules préoccupations audiophiles.

Passée cette débandade, que reste-t-il ? Une petite sensation de dégoût. Puis au fil des écoutes déçues, une certaine beauté maladive commence à transpirer de l’œuvre, une beauté familière… Celle de It et Freaks, les premiers essais pulpiens dans les 80’s, si parfaitement couronnés d’insuccès. We love life démarre un peu poussivement avec des morceaux de rock moyen (Weeds, Minnie Timperley). Il ne décolle vraiment qu’en donnant ouvertement dans l’hypocondrie avec The Trees, splendide ballade au lyrisme infiniment morne. A partir de là, la came, après quelques administrations, commence à agir. Wickerman, à moitié parlée, s’écoule doucement comme la rivière polluée qu’il décrit. I love life, avec ses accès typiques de fièvre, s’achève dans un délire à 40°. Roadkill, ballade fébrilement stonienne, sinue courbatue. Enfin l’hazlewoodien Sunrise, conclut le disque sur une note d’espérance diminuée.

Le thème de l’attachement viscéral à la vie vache, envers et contre sa vacherie, est développé tout au long de l’album. Jarvis nous parle de mauvaises herbes, du flot marron de l’égout, d’oiseaux qui chantent la nécessité de copuler, d’arbres inutiles, du cendrier de sa vie. On finit par aimer We love life, comme on finit à contrecoeur par aimer la vie.