Necro déterre les cadavres. Désarticulée, incisive, déraisonnée, la musique de ce white trash est une invitation au meurtre, à la nécromancie et autres rites gore pervers. Depuis quelques années, on savoure les affections psychiques de ce Mc new-yorkais, impeccablement mises en scène dès ses premières salves morbides (notamment son premier album I need drugs). Necro est un récidiviste, un Mc qui se fout de tout, qui balance sa sauce hardcore de façon on ne peut plus explicite. Sur cette nouvelle galette, la prod est toujours aussi brute et suintante, et les lyrics font froid dans le dos. Ou plutôt non, ils inciteraient presque au meurtre, au machiste sauvage et à la fornication primitive… Conduit par des instrumentaux envahis de synthés pathologiques (Dead body disposal, World gone mad, Morbid) ou de pianos discordants (Bury you with Satan, Scalpel, One way or another), la voix de Necro résonne violemment, constamment à la recherche de la rime qui frappe.

Tel un prédicateur aliéné, le rappeur émeutier s’amuse ici à déroger aux règles sociales avec une délectation libidineuse inhabituelle. Vient un moment où on ne sait plus trop si le personnage créé ici relève de la fiction ou si ce type est vraiment à la masse. Parsemant ses morceaux d’effets sonores méphistophéliques (You’re all dying, World gone mad), l’esprit pernicieux de l’artiste se lâche sur des beats qui claquent fort. Ce qui transpire le plus du murder rap de Necro est bien sûr son bilan morbide sur l’absurdité de l’existence (« le futur de chacun d’entre nous : une mort certaine »). Les atrocités de la vie de tous les jours nous sont ici narrées avec un appétit féroce, dont la mordacité s’avère des plus dérangeante. Exemple sur World gone mad où ce jeune homme de mauvaise famille expulse des toxines qui pourraient couler en chacun de ceux qui ont connu la merde, les bas-fonds et l’atrocité meurtrière de certains secteurs urbains inhumains. Résultat : Gory days est un vrai film d’horreur musical, une plongée dans l’épouvante la plus dégueulasse qu’il soit. Pourquoi donc ? Parce qu’il met en scène un digne représentant de l’Amérique déracinée, un rebut de la société, qui nage avec rage dans les couches les plus marginales de ce que l’on ose encore nommer « Première Puissance mondiale ». Mais heureusement, Necro nage bien, et ses échappatoires sont nombreux. La plus tripante est incontestablement son appétit sexuel démesuré, qu’il met en exergue sur bon nombre de ses compositions. Malgré tout, au beau milieu de ce marasme meurtrier sexuellement transmissible, Necro n’oublie pas d’écrire dans son booklet un R.I.P à tous ceux qui ont péri dans l’attentat du WTC. Signe qu’il lui reste tout de même un brin d’humanité…

Paradoxalement, ce white trash fulgurant semble trôner sur un tas de cadavres, en souriant et crachant à la face du monde. New York New York, l’hivers s’annonce rude… Même s’il n’aura pas le privilège de briller au firmament des hits hip-hop, Necro aura certainement l’honneur de figurer parmi les plus grands représentants -aux côtés de Kool Keith- d’un genre musical nouveau : le pornocore. Jeune, bourré de violence et de sperme, ce cauchemar humain du rêve américain n’est pas prêt de rendre son dernier souffle. Comme dirait Necro, « Ruez-vous sur cet album bandes de malades mentaux ».