C’est avec une certaine curiosité que l’on attendait Universal, premier album de K-Otix, groupe composé des deux Mcs Damien et Mic, et de leur producteur The ARE. Originaires de Houston, Texas, morne capitale d’un Etat ultra-friqué plus porté sur le pétrole et sur la country que sur le hip-hop (combien de disques de rap texan avez-vous dans votre discothèque ?), les K-Otix ont su se bâtir une petite réputation auprès des traqueurs de vinyles du monde entier, grâce à quelques maxis bien balancés et sans esbroufe. Lorsque la nouvelle d’un LP du trio s’est précisée, on espérait donc un de ces albums discrets et efficaces comme le hip-hop US « underground » sait en donner chaque année, à l’image par exemple des LPs roboratifs de J-Live ou de Grand Agent, sortis début 2001.

De fait, alors que autour d’eux la scène locale est plutôt faite de poseurs gangsta, les K-Otix préfèrent s’inscrire dans cette mouvance soignée qui aime et célèbre le hip-hop à longueur de morceaux, sur une production aux breakbeats classiques, à l’image des Lone Catalysts de J-Rawls, avec lesquels ils ont d’ailleurs signé leur dernier 12 » en date. Projet résumé par cette rime de Mind over matter : « I’d rather be the unsigned hype than the type to be the unhype signed. »

On retrouve sur cet album tout ce qu’on appréciait sur les premiers disques du groupe : ses rimes précises et maîtrisées qui évoquent la puissance du hip-hop, avec cette même conviction qui traverse le Rock’n’roll du Velvet Underground (« You can take my life, but you can’t take hip-hop away from me » dans Take my life, convaincant pendant au Her life was saved by rock’n’roll de Lou Reed), les enchaînements au cordeau entre Mic et Damien, et la production sans fioritures de The ARE.

Les K-Otix ne sont pas de ces crews qui cherchent à toute force à défricher des terres musicales inexplorées, à coup de synthétiseurs saturés ou de bidouillages électroniques étranges. Plus EPMD que Company Flow, leurs morceaux sont construits sur des structures rythmiques solides, aux boucles simples, qui ponctuent d’accents parfois épiques la scansion carrée de Mic et Damien. Efficacité fait loi et, de fait, alors que The ARE se montre particulièrement convaincant dans la réminiscence du funk élastique de la fin des années 1970 (The Club), il l’est nettement moins lorsqu’il ralentit ses beats et lorgne vers des ambiances plus laid-back (comme sur le dispensable Love song).

Le seul problème, c’est que si on retrouve sur Universal tous les ingrédients qui nous ont fait apprécier les K-Otix, c’est précisément parce qu’ils y ont collé (presque) tous leurs vieux morceaux. De quoi réjouir ceux qui sont passés à côté à l’époque de leur sortie (et on peut penser qu’ils sont nombreux), mais la méthode agacera les amateurs, car on est en droit d’attendre autre chose d’un premier LP qu’une compilation de titres déjà sortis. La qualité d’un album ne se juge pas uniquement par la qualité des titres qui le composent, mais aussi par la prise de risques qu’il représente en lui-même. On ne bâtit pas une carrière sur la prudence, et commencer sa discographie LP par une rétrospective n’est pas vraiment la meilleure manière de marquer son ambition.