Jean Jacques Perrey fut collaborateur de Harry Breuer et Gershon – Pop corn – Kingsley dans les 60’s, retenu dans les grandes parades des parcs Disney pour son hystérique Baroque hoedown, avant de se mettre à la musique « thérapeutique » aujourd’hui. Pionnier de l’électronique et du sampling (sur bandes, à l’époque), il a été samplé et remixé (Eva par Fat Boy Slim notamment) à tout va dans les années 90, mais il reste dans les mémoires comme l’un des plus audacieux et inventif compositeur de musique sucrée et vitaminée, revisitant avec force Moog et petits sons concrets poppy les classiques easy-listening ou composant des miniatures sautillantes et riantes, pour une musique qui doit beaucoup à l’enfance et au jeu. De son côté, Luke Vibert (aliases Wagon Christ, Plug, Amen Andrews, Kerrier District ou Spac Hand Luke) est un surprolifique électronicien tombé petit dans la marmite acid, oeuvrant sur Rephlex, Ninja Tune, Warp, Planet µ, amateur de boites à rythmes vintage et de montées lysergiques et synthétiques.

Après un premier maxi (déjà intitulé Moog acid), la réunion de ces deux petits maîtres de l’électronique était attendue, entre les comptines psyché-easy de l’un et les buvards electro-IDM de l’autre. Ces deux là sont sur la même longueur d’onde, en coloristes rétro, gourous mineurs, mélodistes brefs. Les TR Roland de Vibert surfent sur les poïng-tchak-ouin qui piquent la langue de Perrey, pour des comptines régressives (Frère Jacques, même), tripantes. Un introït à deux voix superposées (avec un charmant accent so frenchy pour Perrey) illustre la parfaite synergie entre le vieux et malicieux représentant de commerce de l’Ondioline (qui lui a ouvert les portes d’Hollywood dans les 50’s) et le stakhanoviste anglais de la boite à rythme vintage. Reste que Luke Vibert pond un peu toujours le même beat depuis dix ans (vieux gimmicks de hip-hop old school sur You Moog Me, peu pertinents) et que les mélodies tarabiscotées de Perrey souffrent un peu parfois de la linéarité des séquences de Vibert. De belles choses cependant, dont un White knight (Black in the day) qui rappelle plus le maître des Soothing sounds for babies, Raymond Scott, qui oeuvrait en plus minimal et sur le même créneau que Perrey dans les 60’s. Les (nombreux) fans français de François de Roubaix devraient aussi être comblés (même goût des textures mêlées et des synthés régressifs), même si le mieux pour tout le monde est encore d’aller écouter les deux albums de Perrey en collaboration avec Kinglsey, The In sound from way out (1966) et Kaleidoscopic vibrations (1967), ou les deux albums solos de Perrey, The Amazing new electronic pop sound of Jean-Jacques Perrey (1968) ou Moog indigo (1970).