Après avoir traversé l’Atlantique pour enregistrer Memphis et Blue 3rd, le plus célèbre harmoniciste français s’est rapatrié au bercail et s’est entouré d’une équipe de musiciens hexagonaux pour enregistrer ce nouveau disque placé sous le signe de la « fragilité » : en lisant Sam Phillips, le producteur d’Elvis Presley, qui disait que le King « était incroyablement fragile », Milteau affirme avoir réalisé que « ses musiques préférées, celles qui ont balayé la deuxième moitié du XXe siècle, le blues, la soul et le rock’n’roll, sont nés de cette fragilité », fragilité dont l’harmonica serait « le parangon ». C’est au pianiste Benoît Sourisse qu’a été confié la direction de ce carnet musical habilement agencé et très agréable à l’écoute, dans lequel Milteau et ses musiciens (André Charlier à la batterie, Manu Galvin aux guitares, Jean-Michel Charbonnel à la contrebasse, Benoît Sourisse à l’orgue et au Fender Rhodes) parcourent d’un pas tranquille toute la palette des musiques issues du blues ; les chanteuses Michelle Shocked et Demi Evans apportent une touche d’énergie et de sensualité à l’ensemble en se coulant dans cet écrin grand luxe où tout le monde joue la carte de la sobriété et de la mesure, chaque note et chaque riffs semblant être à sa place, sans un gramme de graisse en trop. Demi Evans vous filera la bougeotte sur le succulent Jack the man, Michelle Shocked se sort remarquablement bien d’une reprise du Man’s man’s world de James Brown ; un album simple et admirablement bien construit, que l’on cessera peut-être de jouer avant la curieuse et décevante reprise de L’Internationale qui fait office de conclusion. En guise de rattrapage, on ira jeter un œil du côté de Memphis blues, le livre que publie Milteau avec le journaliste de blues Sebastian Danchin (Chêne éditeur), portrait musical de la ville à travers ses héros du blues, du rock et de la soul, de Little Milton à Isaac Hayes.