Si l’on s’en réfère au précédent album d’Emmanuel Bex, Jazz[z], on peut se dire que ça devait arriver : après avoir joué séparément, sur deux disques distincts et avec deux trios (basse et batterie d’un côté, batterie et guitare de l’autre), de ses deux instruments de prédilection, l’orgue Hammond et le piano, le musicien français franchit un pas qui le démangeait sans doute depuis pas mal de temps. Conversing with melody est en réalité une « conversation avec lui-même », pour reprendre le titre d’un joyau de Bill Evans : grâce au re-recording, Emmanuel Bex a fusionné sur une seule piste une partie d’orgue et une partie de piano, se réunissant en quelque sorte lui-même pour se livrer enfin entier, le temps d’un album. Audacieux, et réussi : Bex retient les qualités de ses deux instruments, jouant sur la clarté limpide et la délicatesse du piano sans abandonner le velouté et la profondeur de l’orgue ; étrangement, la somme des trois claviers se monnaye moins dans un trop-plein que dans une manière de simplicité délibérément économique, comme si la multiplication des timbres devait emporter une division des notes. De fait, c’est un album aéré et dégagé qu’offre ici Emmanuel Bex, sur un répertoire de compositions originales auxquelles s’ajoute un  » Parlez-moi d’amour  » interprété avec la lenteur d’une promenade sous la pluie et deux clins d’oeil, l’un à Django Reinhardt (Manoir de mes rêves), l’autre à Charles Trenet (Ménilmontant). L’attention portée aux mélodies, l’évidence des arrangements (d’une efficace simplicité sur Enfance, avec ses accords plaqués à l’orgue), le soin accordé au mariage des deux instruments font de ce Conversing with melody une réussite à mettre entre toutes les oreilles, jazzeuses ou moins.