Encore une fois, le futur du rap débarque du quatrième millénaire. Et encore une fois, c’est à San Francisco, dans la Glue Factory de Dan « The Automator » Nakamura, qu’il se matérialise. Quatre ans après le Dr. Octagon, notre gynécologue préféré, natif de Jupiter, qui prit la forme humaine de Kool Keith pour nous apparaître tout droit sorti de l’an 3000, voici donc Deltron. Presque contemporain du bon docteur (il arrive, lui, de l’an 3030), Deltron a choisi Del The Funky Homosapien, cousin d’Ice Cube et membre éminent de la famille Hieroglyphics, pour s’incarner dans notre époque. Et c’est le lutin des platines Made in Canada Kid Koala qui scratche les beats de The Automator, succédant ainsi au Skratch Pickl DJ Q-Bert.

L’affiche, présentée comme ça, est alléchante. Dr. Octagonecologyst (Bulk/Mo’Wax 1996) reste l’un des albums les plus branques, et les plus réussis, du hip-hop des années 1990. Automator, Kool Keith et Q-Bert inventèrent là une troisième voie oblique entre l’efficacité languide du G-Funk et l’abrasive tension des productions East Coast encore complètement sous influence Wu-Tang -les deux pôles qui dominaient alors le hip-hop US. Ils furent hélas seuls à l’emprunter. Certes, l’aventure du Dr. Octagon n’est certainement pas étrangère à l’explosion Rawkus, quelques mois plus tard. Mais si, depuis, il y a eu des disques aussi bons, et même meilleurs que celui du Dr. Octagon, aucun ne l’a vraiment égalé dans son genre : un LP à la production tenue de bout en bout ; un MC virtuose ; un DJ frénétique (depuis combien de temps n’avait-on pas entendu un DJ sur un album de rap ?) ; et, enfin, un concept complètement débile, mais assumé et décliné du premier au dernier morceau.

Quatre ans plus tard, donc, Automator remet ça, avec deux nouveaux associés, mais exactement les mêmes ingrédients. Nous nous réjouissions d’avance. Mais le plus fort, c’est qu’au lieu de faire La Menace Fantôme, il nous donne L’Empire Contre-Attaque : le même concept, mais en mieux. Tout ce qui fait un bon album de rap y est -beats, rimes, scratches-, mais Automator va encore plus loin : il ose des guests improbables (Damon Albarn en, euh, Sir Damien Thorn VII of the Cokfosters Clan), il ose le cross-over avec l’electronica (Mark Bell signe les interludes), il ose, tout simplement, à une époque où le hip-hop commercial n’ose plus grand chose. Osez à votre tour.