Eté 2006. Le temps d’un huit titres, Moshi Moshi dépoussière synthés vintage, et sort des cartons le groupe concept pour aller avec -Annie Hart, Heather D’Angelo & Erika Forster, trois New-yorkaises à franges dont les photographies pour nuits humides hantent l’imaginaire de quelque dizaine de bloggers transis. A en lire leurs propos, l’affaire semble emballée en cinq minutes : Au Revoir Simone incarnerait cette survenance d’un Broadcast en mode mineur, débranchant saturations et textures minérales pour n’en retenir que la joliesse pop. Tous avaient tort.

Tender Buttons dévoilait l’ulcère d’une chanteuse pas assez jolie pour plaire. Au travers d’immuables vocalises, Trish Keenan renonçait aux jeux de séduction, préférant les confondre en d’épaisses couches électroniques, fébriles et obsédantes, climats de compassion et de terreur. 2007 : l’oiseau musical d’Au Revoir Simone emprunte les lignes adverses. Un fantasme qui se sait tel, murmurant aux oreilles de l’auditeur ses avances, bras sur l’épaule et hanches appariées.

Le genre fausse couventine, à la beauté dont on souffre, caressant méchamment l’idée de n’être que ton amie. Celle qui n’offre son attention que par intermittence, le temps de t’accrocher puis de te laisser tomber pour ne jamais écrire, ou formaliser cette relation fugitive qui te lie à elle. Celle qui, d’ailleurs, n’invite jamais à danser -la Disco song de son précédent Verses of comfort, Assurance & salvation, ne battant pas le rythme assez fort pour ça. Ses comptines noyées dans un nuage de lait auront beau mettre du baume au coeur (« Nothing hurts like seeing you hurt like me »), entendre et signifier malheureusement cet état de fait (« Guess I was the lucky one / Reading letters, not writing them »), on lui en voudra quand même parce qu’elle ne pourra pas comprendre.

Ci et là, on lira l’amour, le manque et la frustration portées aux trois jeunes filles originaires de Brooklyn. Que celles-ci exercent la même fascination que les vierges suicidées d’Eugenides. On ne voudra pourtant rien révéler aux paumés de la vie qui leur tournent autour, requins trop à l’étroit dans un aquarium aux dehors séduisants. C’est juste bien fait pour leurs gueules. Eux seuls auraient dû comprendre qu’il s’agissait d’une oeuvre adolescente, écrite par trois bachelières plaquées qui entendent, dans un réflexe hystérique, s’inscrire dans l’inconscient masculin.

On aura toutefois beau se garder de les aimer, et ne plus leur adresser un mot, une courte mémoire dissipera de tels ressentiments. Dans cinq ans, dix ans, on se retournera sur soi et on abandonnera la lecture politique pour n’en retenir que les versets émotionnels. Par delà la rancoeur, rejailliront les cartes postales d’un hiver en manteaux de neige, le coeur comprimé et le souffle en morceaux, la passion nous remontant dans la gorge, avec le froid, la pureté et l’intensité d’une matinée d’hiver, du gel à la fenêtre et quelques flocons dans les bronches. Au Revoir Simone, vous n’étiez pas jolie, vous étiez pire.