Rien de nouveau à l’horizon du cinéma politique hollywoodien. Version française, Au nom de la liberté révèle mieux que son titre anglophone (Catch a fire) l’originalité vertigineuse du film de Philip Noyce : dénoncer l’apartheid et louer les combattants de l’ANC via le destin d’un quidam broyé par la cruauté du système. Soyons lucide : qu’attendre de l’industrie américaine des années 2000, sinon qu’elle emballe le fait historique dans une romance de gare ? Après tout, Philip Noyce n’est pas Oliver Stone, et puis même le cinéaste de Platoon aurait pu s’emparer d’une base aussi convenue.

Afrique du Sud donc, dans les années 80. Un ouvrier qualifié (noir) croit naïvement bosser tranquille sans toucher à la politique, quand il se retrouve dans le collimateur d’un officier (blanc) antiterroriste, convaincu de son implication dans un attentat de l’ANC. Vie détruite, gueule fracassée et jardin secret étalé sur la place publique, l’heure de l’outing politique a sonné. Direction l’ANC et la vie de combattant infiltré. Au nom de quoi déjà ?

Le film jongle avec les symboles et prétend résumer par le spectacle toute la complexité de quarante ans d’apartheid. Même la complexité, justement, est incluse dans le programme. Pas celle, politique, de l’oppresseur et de l’oppressé, mais plutôt leur psychologie respective dont Noyce se sert comme manivelle dramatique. Le bourreau n’a rien d’un fonctionnaire du mal, mais d’un psychopathe aux moeurs de Leatherface distingué qui invite ses victimes à déjeuner avec sa famille -voilà qui mène tout droit vers la série B. Quant à l’engagement du martyr, il est intimement lié à sa double vie d’homme adultère. Entre la survie et la culpabilité amoureuse, le récit ne choisit pas, il enchâsse.

Philip Noyce entend donner à son film une valeur représentative quand celui-ci bifurque vers l’anecdotique et l’intime. Du coup, tout se détraque : le drame personnel manque de saveur, affadi par le cours d’histoire, lui-même meringué par le mélo. Le cinéaste a au moins le mérite de reconnaître que son sens de la fiction est en carton. S’il ne renie jamais son plaisir de se déguiser en petit reporter (les entraînements de l’ANC et l’attaque de l’armée sud-africaine, micro-climax en kit avec caméra à l’épaule, sifflements de balles et slogans musclés), il tombe littéralement le masque. A la fin, la grande Histoire et la vraie petite partent à la rencontre de la fiction, comme invitées d’honneur. La vraie victime joue au foot avec son double de cinéma, confirme en interview que la séquence que l’on vient de voir est bien réelle. Juste avant, Nelson Mandela -le vrai- salue la foule. Ne manquent que Jean-Pierre Foucault et la pub.