Tout est affaire de flux et de reflux, de prolongements et d’intermittences. Six personnages se partagent la scène. A sa table de travail, Yves Pagès s’est amusé à manipuler ses marionnettes. Ses Parapazzi sonnent comme la petite chronique bouillonnante et chaotique d’une poignée d’individus en quête d’émulsions, avides de se reconnaître, et passablement perturbés par le grand bazar de la vie. S’y confondent le terrorisme quotidien de la technologie (portables, caméras, etc.), l’abrutissement qu’elle occasionne, la misère à laquelle la plupart de nos contemporains, dorénavant, ne peuvent échapper, celle des petits boulots, des fins de droits, et les plans débrouillardise qui s’ensuivent (ceux-ci tournent souvent au loufoque dans la pièce), et tout de même une sérieuse dose de déconnante. Soit une évocation au travers de brefs moments de la vie de trois hommes et de trois femmes de tout ce qui se situe, comme le signe l’auteur lui-même, « au-delà des clichés -ou en deçà ».

Phrases sèches, électriques, du mouvement : l’air circule bien entre ces dix-huit séquences. A bien y regarder, les aspects les plus féroces de cette pièce sont dirigés à l’encontre des médias, de leurs mises en scènes niaises (Claude 1 et Claude 2 sont deux paparazzi : deux gâchettes faciles et inconséquentes ; elles provoquent donc l’hilarité), et par conséquence à ceux qui ne peuvent s’en passer. Malgré les attraits indéniables du texte, une erreur se glisse dans la mécanique. Elle provient sans doute de l’architecture de la pièce, qui est juste esquissée, de sorte que nous lisons à certains moments des pages de brouillon plutôt qu’une pièce à part entière. Cet inconvénient se dissipe rapidement cependant, car la lecture en est aisée, et l’action suit son cours sans heurts. Et « puisque ces mystères me dépassent, feignons d’en être l’organisateur ». Dans le désordre ambiant de ces vies minuscules, cette phrase reprise par l’auteur vaut profession de foi. Il lui fallait de la finesse pour que ses exercices de style ne tombent pas dans la vulgarité.