Ils sont deux dans l’histoire. Bernard Faucon est photographe. Il est à l’origine d’un projet fou : « Le Plus Beau Jour de ma jeunesse », une fête organisée dans 20 pays du monde avec plus de 2 000 adolescents. But du jeu : réunir une centaine de jeunes gens, leur fournir un appareil jetable, les emmener dans un lieu emblématique du pays et immortaliser cette journée menée à grand renfort de fumigènes et de boissons. Les clichés ont fait chaque fois l’objet d’une exposition. Antonin Potoski, pour sa part, est né en 1974. Il travaille au Mali, nous dit-on. Il est, en outre, écrivain. Il a accompagné Faucon dans son tour du monde. De ce vaste voyage, il a tiré de courts récits réunis sous le titre : La Plus Belle Route du monde. Le tout est illustré par des photographies de Faucon, cela va sans dire.

Dans ce livre curieux, on ne sait pas toujours où l’on est. En Birmanie, au Maroc, à Cuba… Dans des pays chauds, en tout cas. Mais ce qui importe, après tout, ce sont les images de Faucon et la voix de Potoski qui, loin d’arpenter les rues du sixième arrondissement de Paris et d’en tirer un livre, a choisi d’écrire sur l’ailleurs, et donc, fatalement, sur l’altérité. Tantôt Potoski accompagne les photos de Faucon, donnant à voir lui aussi, décrivant les paysages traversés, les communautés rencontrées. Tantôt il habite ces lieux, les peuple de souvenirs plus personnels. Et c’est sans doute là que réside la chair du livre.

Adolescent, Potoski rêvait qu’on l’enlève : on l’aurait endormi, il aurait voyagé toute une nuit dans une voiture et se serait éveillé devant la mer, très loin. Voilà qui illumine le livre : ce visage émerveillé, nourri par la chaleur et la lumière de pays brûlants, tout occupé à ressentir, vivre, capter l’intensité du moment. Car Potoski réussit à écrire son plaisir du lieu, un plaisir qui va avec la vitesse, le rythme de la techno, la chaleur, l’imprévisible. Ce faisant, il fait des rencontres et pose sur ceux qui l’accompagnent un regard simple et généreux, futé et jamais mièvre. Pas si facile. Parce qu’il n’y a rien de plus de difficile que d’écrire le bonheur, la joie d’être là. Rien de moins romanesque et de plus périlleux. Et autant avouer que ce livre n’est fait que de ça : la joie entière, sans nuance, d’être là-bas. Affleure, de page en page, une belle personnalité, et c’est infiniment rassurant. Sa naïveté y est sans doute pour beaucoup ; entendons : cette absence totale de cynisme, cette envie de vivre absolue qui le fait accéder à une intelligence et à une écoute réelles du monde. Un autre livre est en préparation, Les Cahiers dogons. Tant mieux.