Yôko Ogawa : l’auteur est prolixe. Plus de quinze livres publiés depuis 1988, très brefs quand il s’agit de romans, toujours immédiatement identifiables. Ecriture limpide, précise, lapidaire. Rapport au corps, au temps, à la mémoire qui distille un trouble permanent, une fascination confinant au mal-être. Tout est équivoque, parfois fétichiste, l’oubli ne s’installe jamais, le passé reste à demeure. On découvre d’elle aujourd’hui deux ouvrages singuliers, publiés simultanément en 1999. Les Paupières, d’abord. Impossible de ne pas se sentir en terrain connu. On y trouve en germe l’intrigue de plusieurs romans qui ont suivi, déjà parus en français (Le Musée du silence, La Petite chambre hexagonale, Amours en marge), avec de légères variantes qui les éclairent d’un jour nouveau. On décortique la démarche de l’écrivain, on entre dans ces riens du quotidien qui débouchent inéluctablement sur l’étrange, le fantastique, le fantasmatique.

La Bénédiction inattendue n’est pas moins surprenant : Ogawa y raconte la naissance de la vocation d’écrivain. Tous ses textes (« Lorsque j’écris un roman, j’ai l’impression de me trouver dans un atelier d’horlogerie. Quand j’écris un roman, j’ai toujours peur ») tournent autour de la construction de l’écriture. Et reprennent ses obsessions : « Je me remets au travail. Des rognures d’ongles, des pellicules, des cils et des bouts de peau se dispersent à nouveau, qui salissent mon univers ». Les histoires sont là, qui demandent à sortir, appellent un déclencheur, stylo miracle, atelier silencieux, rencontre. Ogawa, si pudique, se raconte beaucoup plus qu’à l’ordinaire dans ces sept textes, glisse des indices, lève le voile sur son silence. A n’en pas douter, son travail le plus autobiographique à ce jour.