Crocs, le premier roman de Toby Barlow, avait tout du roman culte. Autant donc le dire tout de suite : Babayaga est totalement différent, et vraiment (très) en deçà. Non dénué parfois de charme, mais dilettante, parodique et léger au point d’être vidé de substance, collectionnant clichés et images d’Epinal dans un Paris de comédie tel que seul un Américain peut l’écrire. Babayaga, c’est Indiana Jones qui rencontrerait Woody Allen et Baz Luhrmann. Les années 1950, la Guerre Froide, la mystérieuse Agence, des Américains et des Russes, la police française, des sorcières laides ou jolies, une love story, des courses poursuite, des malédictions, des explosions, des 2CV, des hôtels miteux, les bords de Seine, l’inspecteur Vidot transformé en puce. Tout un programme. Rester sérieux ? Ce n’est manifestement pas l’objectif.

Et on le déplore, ce manque de sérieux. Parce que, honnêtement, on a envie de se laisser prendre au jeu. L’intrigue « CIA vs Méchants Russe » est légère, Will, originaire de Detroit, fleure bon le garçon du Midwest venu s’encanailler à Paris, Oliver le sulfureux s’avère d’une subtilité douteuse. Mais l’histoire des sorcières, la Babayaga russe ramenée à la vie en plein Paris, ce n’est quand même pas rien ! Figures maléfiques, errant d’un conflit à l’autre depuis des centaines d’années, elles sont deux à se retrouver dans ce Paris fade et archétypique, deux survivantes, les dernières d’un clan – voix des mortes sur la longue route, Chant des sorcières au lyrisme entêtant. Elga est  au crépuscule de son interminable vie, Zoya, sa dernière élève, débute. Elles promènent avec elles assez de magie pour réenchanter le monde, ou l’obscurcir ;  ce sont des sorcières tout de même.

Évidemment, Will le bon garçon tombe amoureux de Zoya. Et c’est Elga la méchante qui transforme l’inspecteur Vidot en puce. Et les deux sorcières se haïssent, s’apprêtant à se livrer un combat sans merci… Des idés, on le voit, il y en a. Le problème vient de la mise en scène, qui ne trouve jamais le ton juste, et des personnages, esquissés à trop gros traits pour présenter un intérêt. On est dans la comédie, mais pas que. Il y a quelque chose de l’ordre du « grandeur et décadence » qui traverse le texte : grandeur et décadence de Paris, de la vieille Europe, du mythe, du rêve, de l’illusion, comme une fin de monde au moment d’un basculement brutal vers le réel. Sauf que ce quelque chose n’émerge jamais, écrasé systématiquement par un gag, une explosion, un course poursuite, un saut de puce. Trop de quiproquos ; trop d’accidents. Babayaga, c’est une bonne idée qui tombe à plat.

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