Récit, souvenirs, mémoires d’un étrange et inquiétant personnage, au ton hautain et souverain qui installe d’emblée dans le malaise. « Jeune écrivain de 84 ans », il est fils d’un émigré russe qui a fui la révolution de 1917, descendant de Gengis Khan et d’une mère vénérée qui trop tôt a quitté la vie. Harcelé par la poisse et le malheur, souvent crevant de faim, ce personnage hors du commun a vite et bien mal tourné. Esthète grand seigneur, fauché, admirateur éperdu d’art et de beauté, calculateur, cruel, vivant d’expédients douteux ou inavouables, vagabond, taulard, faux-monnayeur, ami intime de Cocteau et de Picasso, il voue une haine sans bornes aux hommes, « chiures pensantes », et un amour infini à la Terre et aux étoiles.
Ce type inclassable s’est résolument classé hors jeu. Il est passé par tous les milieux, sans jamais s’y attarder, de la véritable canaille du pouvoir politique et financier à la canaille des bas-fonds. Sournoisement et en douceur, il a su profiter autant qu’il était possible de le faire, ne survivant au fil des jours sombres qu’à force d’aimer l’amour, fuyant le pire, c’est-à-dire l’ordinaire. De la charité chrétienne et de la soupe populaire, il en a retiré le goût amer d’une haine sans rémission et parfois dégoûtante. Voyou mondain, anarchiste de droite, il crache sur la droite de l’homme, « un bidon creux », déteste les ouvriers tout autant que les bourgeois, vomit les curés, les flics et les juges. De la France (cette Gueuse qui se fait foutre la main au cul par n’importe qui), il n’aime que la langue – qu’il manie superbement et cisèle à la manière du joaillier qu’il fut, à titre de faussaire. Tout le reste passe à la poubelle : mépris de l’humanité et de la Raison. Provocateur perfide et salopard sublime, il expédie aux enfers la racaille des imposteurs, menteurs, criminels, pilleurs, exploiteurs de l’âme et de la misère humaine, et tire la chasse sur tous les laborieux qui perdent leur vie sans jamais la gagner. Un livre lumineux et sidérant.